L’enfance mise au pas

Dialogues politiques et débats politiques

  • Bande Annonce

  • Ouverture

    Jean-Noël Le Chapelain, Liliane Irzenski. Texte de Aude Biren. Musique de Mico Nissim.

  • Interventions politiques de soignants

    Sandrine Deloche, Mathilde Hamonet, Martin Pavelka et Tolten.

  • Images impensées. Images à penser.

    Film de Séverine Ouaki et Michaël Paszt. Travail audiovisuel de Fernand Deligny et Renaud Victor. Intervention d’Augustin Clarou. Agnès Caffier, Xavier Gassman, Marie-José Mondzain et Tolten.

  • Dérive législative et linguistique

    Stéphane Barrière, Anne Perret, Bernard Ferry, Catherine Laval, Françoise Nielsen, Séverine Ouaki, PDG de Tyraline et son assistante, Anne Biren & Stéphane Barrière et Tolten.

  • Entraves à la rencontre et aux soins

    Philippe Rassat, Benoît Blanchard, Yann Diener, Tolten, Jean-Marc Royer et Cyril Heriard-Dubreuil.

  • Situations dans les écoles. Inclusion, exclusion, mise au pas.

    Capucine Meilhac et Bastien Sueur. Chanson Stéphane Barrière. Une enseignante masquée. Aurélien Vernant lit le texte d'une CPE. Cyril Hériard-Dubreuil lit les "Paroles d'adolescents en Hopital de jour". Film "Sortir de l'ombre" de Marina Paugam et Jean-Michel Rodrigo.

  • Épilogue-débat

Enfance effacée… ?

Enfance effacée… ? Résister, inventer
Meeting poétique et politique

Organisé par le groupe Enfance du Collectif des 39, le dimanche 16 octobre 2016 à la Parole Errante à Montreuil.

Des interventions poétiques et artistiques ont eu lieu tout au long de la journée avec Hélène Bouchaud (comédienne), Aurélien Chaussade (comédien), Martine Irzenski (comédienne), Tolten (rimailleur)

  • Les machines à effacer l'enfance (I)

    Table ronde animée par Hervé Bokobza

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      Tyraline©

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      Hélène Bouchaud, Aurélien Chaussade, Martine Irzenski, Aurélien Vernant

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      À propos de la Haute Autorité de Santé

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      Roger Ferreri

      «Bonjour alors moi j’ai la tâche, parce qu’ici c’est la liberté, mais on vous donne des missions.

      Ma mission à moi c’est de vous parler de l’HAS, bon, donc je vais faire semblant de vous en parler juste pour vous rappeler que la situation actuelle est d’une extrême gravité. C’est d’une extrême gravité parce que ce qui nous tombe dessus -même si on se réunit et si on discute- ne cesse de s’accélérer. Je ne connaissais pas le rapport, enfin, je n’ai pas lu le rapport ((Laforcade)) mais je viens d’en entendre parler et quand j’entends la phrase qui a été soulignée par Hervé Bokobza, je pense que comme le curseur a été mis à droite parce ceux qui étaient à gauche, dans quelques mois le curseur va être encore plus à droite et ça va être encore plus douloureux et il va nous falloir peut-être ici, au delà d’une analyse de ce qui se passe, réfléchir à comment mettre en place des mouvements de résistance. Parce que la question est simple, on est entrain de faire disparaître toute possibilité de débat démocratique. Le débat démocratique le mieux à faire c’est de le faire disparaître dans les endroits où on croit que la science peut exister. Dans ces endroits-là, on met en place des systèmes qui montrent qu’il n’y a pas besoin de débats démocratiques il suffit d’appliquer des consignes.

      Alors la HAS vous savez c’est un truc très intéressant parce que c’est une production des sociétés dites démocratiques, ça s’est mis en place avec les ordonnances de la sécurité sociale en 1996 c’est là qu’est l’origine. En 1996, il y a un type dont vous avez peut-être entendu parler, il s’appele Juppé, je ne sais pas si vous connaissez ce monsieur. Ce monsieur Juppé, il a fait un rapport au Président de la République un dénommé Jacques Chirac et dans ce rapport il dit très simplement que si nous voulons continuer à avoir une couverture de santé aussi belle et généreuse que la France l’a produite, il ne reste plus qu’une seule chose à faire; il va mettre en place un terme qui va venir jusqu’à nous : « mettre en place la maîtrise médicalisée des coûts de santé ».

      C’est à dire nous faisons de la politique et la politique a porté ses fruits, on a mis en place une couverture sociale et maintenant on arrête la politique et on met en place une technique de gestion à l’intérieur même. On ne cherche pas à réfléchir sur l’argent que nous souhaitons politiquement mettre au service de la santé ou pas, nous n’allons pas comme par exemple s’il y avait une crue voir si on peut faire des barrages en amont ou en aval, on va aiguiller comment on va perfectionner les éponges pour enlever l’eau qu’il y a dans la pièce. Voilà ce qui se met en place, ça va prendre un nom ça va s’appeler l’Anasm peu importe les acronymes l’Agence Nationale d’évaluation de la santé et puis après il va y avoir un effet très catastrophique parce que ça en fait c’est un coup très politique de la droite, mais la gauche va la reprendre, enfin la gauche qui se dit de gauche et qui est au pouvoir actuellement. C’est un coup politique qui va avoir des effets extraordinaires c’est que va se mettre en place un corps important qui va se développer qui est un corps de gestion qui va venir en place de la politique et ce corps de gestion va prendre toute son importance avec l’arrivée de la Haute autorité de santé. La HAS il faudra la prendre avec humour parce que quand vous voyez comment elle est faite.

      La HAS est sortie d’une loi du 13 août 2004, elle est quoi ? Si vous lisez les mots du titre premier, elle énonce : ce sont les dispositions relatives à l’organisation de l’offre de soin et à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, cette loi fonde quelque chose qui va s’appeler la haute autorité de santé. Je vous le dis vous remarquerez que pour une autorité le fait d’être haute signe déjà sa faiblesse. Une autorité c’est ni haute ni basse c’est une autorité - non là elle est d’emblée haute.

      Elle va se présenter sous la forme d’une autorité et tout ce qui est dit c’est faux, c’est comme ça la dénégation.

      Elle est quoi? elle est publique...mouais bref.

      Elle est indépendante et en plus elle a un caractère scientifique, elle a un caractère scientifique mais dotée d’une personnalité morale.

      Elle va être indépendante elle va faire le relais de la politique au nom de la science, c’est connu ça c’est ce qui s’est passé avec l’union république soviétique et socialiste.

      Sa mission c’est quoi? alors on va se marrer quoique ce n’est pas très drôle, elle va procéder à l’évaluation périodique du service attendu des produits, des actes, des prestations de santé et du service qu’ils rendent et contribuer par ses avis à l’elaboration des décisions relatives à l’inscription au remboursement et à la prise en charge par l’assurance maladie des produits actes etc...

      Il se fonde sans qu’on s’en rende compte a l’intérieur d’une démocratie une instance qui dit maintenant que le débat n’est plus démocratique.

      C’est un débat purement technique qui vise à diminuer les coûts parce que la maîtrise c’est la diminution il faut le savoir le maître diminue.

      Dans la suite de ça vont se mettre en place les Ars les agences régionales de santé, les ARS sont des préfets de santé c’est à dire des gens qui vérifient qui ont le pouvoir de vérifier que la caution scientifique qu’est l’HAS qui va prendre des décisions et que l’ARS va appliquer.

      C’est à dire que tout le champ des choses les plus importantes socialement vont être dans les démocraties basculées devant la constituon d’un organisme de pure gestion. Et cette organisme de pure gestion nous en voyons les effets : comment il va fonctionner en s’appuyant sur un déplacement de la question de la folie.

      Je vais vous dire un mot quand même sur la question de la folie. Pendant tout un temps la folie a été le point difficile, complexe, où se discutait, si on prend Michel Foucault, l’inverse de la raison, si vous voulez.

      La folie c’était l’échec de la fiction de la raison.

      Mais un échec qui pouvait être enseignant : on pouvait construire. Jusqu’où nous pouvions construire ? Entre nous : ce qui était raisonnable... Et ceux qui n’étaient pas raisonnables il fallait qu’on s’en occupe.

      Donc on a inventé un truc qui s’appelle la psychiatrie à cette époque là.

      La psychiatrie avait deux missions si vous regardez qui nous étaient dévolues :

      1)Mettre à l’écart les gens qui nous dérangent dans la vie quotidienne.

      On appelait ça l’asile.

      2)La deuxième mission qu’on oublie un peu qui fonde pour moi ce que va dire plus tard Bonnafé, il serait agréable, sympathique, heureux pour notre espèce de transformer toute forme de protestation en souffrance.

      C’est une mission qui ne nous est pas énoncée comme telle mais sur laquelle la science pousse.

      Il vaut mieux que les enfants qui protestent à l’école de quelque chose qui ne leur convient pas peu importe que soit à juste titre ou pas c’est leur histoire personnelle il vaut mieux transformer ça en souffrance.

      Et le bond en plus c’est que puisqu’il y avait souffrance, c’est une directive de l’Europe ce qui se passe à l’heure actuelle. Puisque souffrance il y avait, c’était préférable que toute personne qui était inadaptée à la société soit handicapée.

      Et que la société intègre les handicaps mais dans l’intégration du handicap il y a disparition de la politique pour un pur modèle de gestion qui va se mettre en place.

      Si vous prenez tout ce qui s’est discuté sur l’autisme par exemple.

      L’autisme si vous voulez et nous sommes tombés dedans, l’autisme va être repris d’une manière politique au titre de la gestion comme la figure nouvelle de la déviance. Mais qui est une déviance, une folie qui ne parle plus, pas comme la schizophrénie reprise par les surréalistes par la poésie. Une folie qui ne parle plus, au nom duquel on va parler, au nom duquel on va quitter la question du soin pour aller sur la question de la rééducation et de l’éducation.

      Parce que quand vous écoutez la méthode ABA, mais les psychanalystes qui ont été interviewé à la radio à l’époque qu’est ce qu’ils ont fait?, ils ont dit nous aussi nous sommes très forts, nous soignons mieux les autistes que vous. Mais la question n’était pas là. La question c’est que la méthode ABA n’est pas une méthode de soin.

      La méthode ABA c’est une méthode pédagogique désuète il est vrai, étudiée au 19eme siècle et qui a donné de très mauvais résultats. Mais ils sont venus en discuter avec les soignants parce que c’est quoi le soin? Le soin en psychiatrie, en psychologie, c’est se poser la question : en quoi une société peut se donner les éléments pour que la quête de sens puisse être partagée y compris pour ceux qui ont des difficultés d’accès à ce partage.

      Alors après moi, je ne défends pas la psychanalyse, si la psychanalyse était imposée par la HAS je serais contre la position de la HAS, je suis pour la polysémie du soin, pour la diversité.

      Le peuple n’existe que s’il y a débats mais pour qu’il y ait des débats il faut que les débats aient lieu même dans les lieux les plus scientifiques qu’ils soient discutés pour montrer à quel point la science est une production humaine mais ce n’est pas une vérité indiscutable.

      Alors c’est ça qui est en train de nous arriver. Je pense que les 39 nous tous ici nous sommes du bon côté.

      La grande difficulté c’est quels moyens?quels mots d’ordre nous mettons en place pour nous soutenir.

      Parce que je vous le dis dans les services qui travaillent il y a le feu au lac. C’est fini.La différence entre ce qu’il y a maintenant et ce qu’il y avait il y’a 20 ans c’est qu’il y a 20 ans ceux qui était un peu à la marge, on ne leur cassait pas les pieds. Or maintenant ceux qui sont à la marge il faut les détruire, c’est ce qui est en place et c’est contre ça qu’il il faut qu’on puisse s’armer pour mettre en place des choses importantes entre nous. Nous nous sommes levés contre la nuit sécuritaire!

      Or à la nuit sécuritaire vient s’adjoindre la nuit gestionnaire. Il faut se battre contre la nuit gestionnaire. Il faut donner des mots d’ordre pour que partout on puisse résister à tous ces systèmes d’évaluation. Vous savez les soviétiques, on pense à une blague quand je dis ça, mais dans les systèmes soviétiques il y avait l’autocritique ; la démocratie c’est plus subtile ils ont inventé l’auto évaluation.

      Alors on s’évalue s’est monstrueux de s’évaluer pour notre bien.

      Je le dis ici il faut que nous réfléchissions au mot d’ordre qu’il faut lancer comment résister, comment mettre en place peut-être un tribunal, sur L’exemple du tribunal Russel, c’est pas un tribunal pour condamner, c’est un tribunal pour instruire tous les jours.

      Je finis avec quelque chose qui s’est passé et qui pour moi est très important. La Forcade a attaqué l’un des nôtres, il a écrit des trucs il a le droit d’écrire ça, il s’appelle Philippe Rasat, on n’a le droit d’être pas d’accord avec ce qu’il écrit, il écrit dans une tribune des 39. Je me bats pour dire que c’est la liberté de parole qui est attaqué, la liberté de penser. On nous impose la pensée unique. Contre ces pensées uniques il faut attaquer La Forcade. Il faut que les 39 attaquent cet homme en montrant peu importe, c’est aux mots qu’on s’attaque, ce qu’il a dit est détachable de ses fonctions c’est un fonctionnaire, il n’a pas à dire en tant que fonctionnaire ce qui est vrai ou pas sur le plan politique.

      Roger Ferreri

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      À propos des Agences Régionales de Santé

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      Philippe Rassat

      Bon, vous avez entendu parler de moi déjà…et on m’a dit que sur l’ARS j’allais être du coup particulièrement éclairant pour vous tous…

      ARS cela veut dire Agence Régionale de Santé.

      Les ARS ont été crées réellement par la loi HPST de la camarade Bachelot en Juillet 2009. Et elles ont été très vite mises en place puisqu’elles ont été opérationnelles dés Avril 2010.

      Mais la loi HPST de 2009/2010 c’est une loi qui vient dans une suite de lois. Roger Ferreri vient de nous dire que la Haute autorité de Santé avait été définie en 1996. Après 96 il y eut toute une série de lois.

      À commencer par une première loi que notre « monde de gauche » n’a pas lue à l’époque, que d’ailleurs beaucoup d’entre nous n’ont toujours pas lue, c’est la loi du 2 janvier 2002 de Ségolène Royal et Bernard Kouchner. Cette loi dite de Rénovation Sociale a été faite pour remplacer complètement la loi de 1975 qui avait été la première loi à avoir entériné, quand même, le fait qu’il y avait des citoyens français d’une part et des citoyens handicapés d’autre part. A l’époque nous avions été un certain nombre à nous battre la dessus et après ça s’est perdu et nous avons tous utilisé la loi de 75.

      Mais voilà, la loi de 75 coutait trop cher, donc le gouvernement Jospin a décidé de changer cette loi pour faire une loi concernant les « handicapés » qui soit plus rentable, en tous cas qui coûte moins cher à la sécurité sociale.

      Il faut savoir que c’est dans cette loi, j’en reparlerai plus tard, qu’a été inventé le concept de CPOM, c’est à dire les contrats pluriannuel d’objectif et de moyens, qui sont maintenant extrêmement utilisé par les ARS pour mettre sous tutelle idéologique et financière le médico-social.

      Mais cette loi était une loi très générale, il fallait la lire, parce que dedans intervenaient deux choses très importantes.

      Tout d’abord, l’emploi générique du terme « usager », qui jusque là n’était absolument pas systématiquement employé pout tout ce qui concernait les problèmes de santé, c’est là dans cette loi du 2 janvier que ce signifiant apparaît, et après il est conforté par la loi de Kouchner de mars 2002 sur le droit des malades qui devient le « droit des usagers ». Après quoi le terme d’ « usager » va faire flores puisqu’aujourd’hui il n’y a plus que des « usagers » que nous sommes 66 millions d’ « usagers ». Ensuite l’écriture même de la loi qui, la première, utilise le langage marchand de bout en bout, celui du management et de la qualité, orientant ainsi, depuis quinze ans, tout le discours sur la santé.

      Comme cette loi de 2002 était une loi organique, générale, et que Jospin s’est pris les pieds dans le tapis quelques mois après et a disparu, les lois d’applications, les décrets d’application, c’est la droite qui, de fait, les mettra en place.

      Entre autres, la première grande loi d’application de cette loi de 2002, c’est la loi de 2005 sur le handicap, signée par Douste-Blazy.

      La loi de 2005, la loi sur le handicap, elle entérine un autre signifiant qui est maintenant utilisé partout, tout le temps, qui est le terme de « handicap » et plus précisément de « handicap psychique » pour ce qui nous concerne. Et dans les extraits que l’on vous lira après, peut-être, du rapport de Laforcade vous verrez que le « handicap psychique » ils y tiennent dans les ARS.

      Ensuite il y aura la loi HPST

      Entre temps il y aura eu la loi de 2007, qui dé-judiciarise la protection de la jeunesse au profit de l’administratif, ce qui n’est pas sans conséquence, mais bon nous n’avons pas le temps d’en parler maintenant, on va passer sur elle.

      Donc la loi HPST (Hôpital, Patient, Santé et Territoire) de Bachelot qui est dans la suite logique de ce que nous venons de dire, qui reprend tous les termes et « concepts » employés dans la 2002 et la 2005, et qui est une loi d’organisation gestionnaire, qui peaufine le modèle et qui, entre autre, crée les ARS.

      De façon simple les ARS c’est trois choses.

      C’est d’abord elles qui vont s’occuper de tout ce qui concerne l’argent qui est engagé, dépensé ou récupéré au nom de la santé que ce soit dans le public, dans le libéral, dans l’associatif.

      C’est à dire que le Directeur général de l’ARS d’une région est le trésorier de tout le fric qui est consommé dans la santé d’une manière ou d’une autre.

      Et comme l’a dit Roger Ferreri tout à l’heure c’est un rôle tellement important au niveau financier que le Directeur général de l’ARS a rang de Préfet de Santé, c’est à dire que dans chaque région il est le deuxième personnage de l’état, le premier étant le Préfet de Région… et derrière il y a le Directeur général de l’ARS.

      L’ARS c’est l’état dans les régions et le fait que le nombre de régions ait diminué a renforcé considérablement le poids et l’importance politique et financière du directeur de l’ARS.

      Après l’ARS doit non seulement s’occuper de gérer tout l’argent mais elle est censée faire appliquer les bonnes pratiques et les préconisations de bonnes pratiques, que l’on appelle déjà les PBP, qui sont édictées par l’HAS, la Haute Autorité de Santé. C’est à dire que lorsqu’un mouton noir est repéré quelque part dans une région, qui n’appliquerait pas les préconisations bureaucratiques, c’est l’ARS qui fait les inspections vu que la HAS n’a pas les moyens de faire des inspections sur le territoire tout entier, donc c’est l’ARS qui administre au sens romain du terme, qui fait la police du respect de l’idéologie du moment.

      Les pratiques d’inspections de l’ARS peuvent se faire de façon tout à fait réjouissante, sur un mode opératoire que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, mais qui furent très utilisées au siècle dernier, de l’autre côté du mur, en Europe de l’est ou ailleurs en Espagne, au Portugal, en Grèce, dans des pays comme ça, c’est à dire que les inspections peuvent se faire par surprise, ils déboulent à trois ou quatre, peut-être pas à l’aube bien sûr, et ils fouillent et ils interrogent…ils fouillent dans les dossiers, il fouillent parce qu’il faut pouvoir prouver, la preuve c’est extrêmement important, il faut pouvoir prouver que les bonnes pratiques n’ont pas été mises en place. Puisque la HAS préconise des bonnes pratiques, cela veut donc dire qu’il y a de mauvaises pratiques. Le packing, par exemple, et l’ARS ne rigole pas avec ce qui est interdit par la loi (réglementaire) dont elle est la police et la juge…

      La vocation de l’ARS c’est organiquement la rationalisation financière des soins, l’objectif in fine de tout ça, et nous l’avons entendu, il n’y a pas très longtemps, dans le discours de Touraine qui était super contente d’annoncer que en 2017 la sécurité sociale ne serait pas en déficit.

      Cet objectif est l’unique objectif de toutes ces lois qui ont détruit notre espace et nos outils de travail depuis la loi 2002. La sécurité sociale ne doit plus coûter ! Puisque il est impossible que les soins ne coûtent pas plus qu’ils ne rapportent - c’est impossible dans aucun pays - pour arriver à ce que le sécu ne soit plus en déficit, il n’y a pas trente six solutions, il faut rogner sur les dépenses, c’est à dire forcément rogner aussi sur le personnel et pour cela la loi de santé de Touraine a créé deux outils qu’elle s’efforce de mettre en place depuis un an. Au premier janvier 2017 doivent être mis en place les GHT, les Groupements Hospitaliers de Territoires, ça c’est dans le public - ils vont avoir du mal - et parallèlement - oui je sais je vais avoir un problème de temps - dans le médico-social, dans l’associatif doivent se mettre en place les CPOM, dont nous avons parlé tout à l’heure.

      Ces deux réorganisations territoriales sont les objectifs à court termes des ARS et n’ont été pensées que pour rationaliser le personnel, les soins et faire des économies drastiques.

      Par exemple dans les GHT il faut diminuer les hospitalisations et on le verra dans le rapport Laforcade, il faut qu’il y ait de moins en moins de personnes hospitalisées, que tout se passe à domicile et pour ce qui nous concerne, pour ce qui est de la souffrance psychique, ils ont un moyen, les médicaments, le reste ils s’en foutent, il faut bien avoir ça en tête.

      C’est pour ça que pour les enfants on assiste au développement insensé de la Ritaline, ou du Rysperdal, c’est tout à fait soutenu par les ARS, même si cela est dénié par le double discours qui est le fil rouge du rapport Laforcade. Car en fait ça rentre dans le plan de rationalisation des soins. Les ARS ont plus de mal, pour l’instant avec le libéral, nous n’aurons pas le temps d’en parler, mais la question du tiers-payant est emblématique de leurs approches pour voir si il n’y aurait pas moyen de faire que la sécu ne s’occupe plus de plein de choses et que cela puisse être confié aux fonds de pension et aux assurances privées.

      Les ARS sont là pour s’occuper de tout ça.

      Pour faire vite, puisque je n’ai plus de temps, pour s’occuper de toute cette rationalisation des soins, les ARS ont trois moyens, auxquels elles tiennent, ce sont les traitements médicaux, car c’est ce qui consomme le moins de personnel et le moins d’argent, ce sont les thérapies rééducatives car c’est ce qui permet que les enfants se tiennent tranquilles et fassent le moins de vague (on peut les assimiler à des « normaux » une fois qu’ils sont rééduqués), et le refus, donc, de l’hospitalisation y compris de jour dans le cadre du public.

      En résumé, les ARS pour faire passer leur objectif uniquement financier - faire des économies - on pourrait dire à n’importe quel prix ! en terme de véritables soins, doivent avoir une idéologie du soin qui justifie cet objectif et c’est ce que développe en 120 pages le « rapport sur la santé mentale » de Laforcade, et une administration « romaine » des territoires de type dirigiste pour imposer et cet objectif et cette idéologie.

      C’est dire si les temps vont être difficiles si nous les laissons faire.

      Philippe Rassat

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      La destruction du secteur de psychiatrie

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      Catherine Laval

      Intervention pour le meeting des 39 à Montreuil à la Parole Errante, 16 Octobre 2016

      Le titre de l’intervention est la destruction du secteur mais je voudrais l’élargir à la destruction de la pédopsychiatrie et celle du secteur.

      Mon métier de pédopsychiatre de secteur va disparaître, car mon métier de pédopsychiatre, tel que je l’ai choisi il y a presque 13 ans est en voie d’extermination et que le secteur est sur le point de disparaître via la mise en place des GHT (Groupements Hospitaliers de Territoires). Plusieurs attaques validées par des gouvernements successifs sont en oeuvre depuis de nombreuses années.

      La première attaque concerne la formation universitaire mais aussi continue. La formation universitaire des psychiatres est devenue très pauvre en tous cas dans le champ de la psychanalyse et des sciences humaines comparée à la formation de nos aînés. Il en est de même pour la formation des psychologues dans certaines universités mais aussi des éducateurs et ne parlons pas des infirmières en psychiatrie qui ont vu leur diplôme disparaître. Néanmoins, malgré ce manque de formation à la base, il semble que jusqu’à maintenant mais jusqu’à quand? du fait de la transmission du savoir par nos aînés sur le terrain et de la possibilité de pouvoir se former ensuite, on puisse encore dans les services se référer à la théorie psychanalytique, à la psychothérapie institutionnelle, car ce sont bien ces savoirs là qui sont attaqués mais Anne Claire Devoge va nous en parler plus longuement.

      Mais il n’y a pas que l’absence de formation qui contribue à cette fin. Il y a aussi les attaques de l’administration. Je voudrais vous parler de la charte des CMP parisiens en pédopsychiatrie. Une charte implique donc que nous nous engagions à la respecter, on nous a d’ailleurs demandé de l’afficher dans la salle d’attente afin que les familles puissent en avoir connaissance et d’ailleurs le dernier article précise « vous pouvez formuler vos observations et réclamations auprès du Service des Relations avec les Usagers de l’établissement hospitalier dont votre CMP dépens » . Cette charte comporte 11 articles où il y est demandé que chaque CMP donne un RDV dans les 15 jours suivant une demande, mais aussi qu’il évalue sans délai les situations d’urgence, d’ailleurs d’un point de vue parental cela n’a aucun sens, car la situation de leur enfant est par définition une urgence. Il nous est demandé de faire un projet de soins individualisé qui peut comprendre « un suivi pédopsychiatrique, un suivi psychologique, une psychothérapie individuelle, de groupe ou familiale, une rééducation orthophoniste et psychomotrice, un suivi social, un suivi infirmier, un soutien éducatif, un soutien à la parentalité ». « Les parents étant toujours associés au suivi de leur enfant et régulièrement reçus pour faire le point ». Tous ces voeux pieux sont fantastiques mais ignorent les réalités du terrain ou peut-être que ces voeux voudraient voir changer notre pratique.

      Dans mon CMP, il y a 2 ETP de pédopsychiatre répartis sur 4 postes à temps partiel. J’ai estimé que si nous appliquions cette charte avec la file active actuelle de 400 enfants, nous ne pourrions pas suivre les enfants et leurs parents correctement, car nous serions obligés d’espacer de plusieurs mois chaque consultations, ce qui n’a aucun sens et que nous ne pourrions plus continuer à rencontrer les partenaires (école, PMI, ASE ...) ce qui fait l’essence même du travail de secteur. Les 2 ETP de psychologues seraient submergés ainsi que le reste de notre équipe et quid d’un travail de psychothérapie institutionnelle avec une file active pléthorique. Donc l’application de cette charte sous couvert de bonnes pratiques envers les usagers nous demande indirectement d’avoir une pratique comme les CHU, recevoir, faire un diagnostic, faire un projet de soin qui éliminerait de facto la psychothérapie individuelle pour un bon nombre d’enfants, car chronophage mais favoriserait la prescription de médicaments, de rééducation, de prise en charge en libéral, car bien évidemment, il n’y a pas assez de temps d’orthophoniste en CMP (voir il n’y a plus d’orthophoniste du tout en CMP du fait d’une non-valorisation salariale scandaleuse), pas assez de temps de psychomotricité non plus et quant aux prise en charge par les infirmières et les éducateurs, elles seraient vite saturées avec une file active si importante. J’ai également entendu que le métier d’assistante sociale de CMP était menacé. L’assistante sociale! mon bras droit au quotidien dans le quartier défavorisé où j’exerce, car n’en déplaise à certains qui aimeraient que tout vienne de nos gênes et que les conditions de vie n’auraient que peu à voir avec le mal-être et bien oui, la précarité sociale, la misère sociale peut rendre malade et aussi surdéterminer la gravité des situations mais beaucoup de politiques semblent l’ignorer.

      La liste d’attente est un réel problème, un enfant, une famille ne devraient pas avoir à attendre mais alors que l’on nous donne les moyens humain de le faire. J’entends ici et là des expériences qui sont complices à mon sens de ce programme de destruction, par exemple demander aux infirmiers et éducateurs de recevoir en binôme dans les quinze jours les demandes. Une autre liste d’attente se met alors en place tout en gonflant artificiellement la file active, de plus, nous dégageons du temps infirmier et éducateur pour assurer cet accueil au détriment de prise en charge individuelle ou groupale, nous mettons des soignants en première ligne pour un travail qui n’est pas le leur, ce qui peut engendrer de l’angoisse chez ces soignants, car ce n’est pas leur métier, rien n’est plus angoissant que de ne pas être à sa place. D’autres CMP proposent des RDV sans s’assurer que les parents et l’enfant pourront venir, en envoyant des courriers sans appeler et en faisant aussi du surbooking comme dans les compagnies aériennes mais bon, un RDV a bien été proposé, et alors la charte est respectée. L’administration est ravie. De plus, ce système met en compétition les CMP d’un même secteur entre eux ou de deux secteurs différents ce qui se rajoute à ce processus pervers.

      J’oublie aussi toutes les tâches administratives qui sont de plus en plus nombreuses que l’on nous demande de faire.

      On nous demande aussi de participer à de plus en plus de commissions au sein du service, du secteur et maintenant du GHT. Commissions, réunions chronophages qui pour ma part ne sont là que pour nous empêcher d’avancer, de penser, d’être dans l’humain, je pense en particulier à toutes ces réunions sur la soit disant qualité et toutes les injonctions d’évaluation faite aux équipes qui s’en suivent. Un jour, il serait nécessaire que l’on puisse, nous soignants, évaluer la qualité de cette mascarade.

      Le secteur, quant à lui, est anéanti par la mise en place des GHT, c’est à dire la fusion de plusieurs hôpitaux en vue de mutualiser les moyens et donc en conséquence de réduire l’offre de soin, de réduire les effectifs et de faire que les soignants puissent être mobiles, interchangeables en fonction des besoins dictés par l’administration.

      Le secteur était défini pour 75 000 habitants et va passer à 200 000 donc on s’attaque à l’essence même du secteur, car avec le secteur, il s’agissait d’être au plus près de la population, du réseau permettant aux familles de se rendre plus facilement aux soins et aux soignants de pouvoir être repérés localement, de faire ce travail de lien et de réseau. Les hôpitaux, sommés de faire des économies, sont tentés de regrouper en un seul lieu plusieurs unités de chaque secteur. Mon hôpital a fusionné avec d’autres hôpitaux dans le cadre du GHT, la signature a été très rapide sans que le personnel n’ait eu le temps de comprendre, de se mobiliser.

      L’administration n’a alors pas tardé à faire un tour de piste des structures en vue de voir ce qu’elle pourrait mutualiser pour faire des économies en personnel mais aussi en dépense immobilière. Quand ils sont venus dans mon CMP, d’ailleurs, je n’avais pas été prévenue, ni ma chef de service de leur venue, seuls les cadres de santé l’étaient... « ils », car il s’agissait essentiellement d’hommes, hauts responsables administratifs de l’hôpital, habillés en costumes sombres, c’était caricatural, ne s’intéressant nullement au travail que nous pouvions effectuer sur le secteur mais semblant très intéressés par le fait qu’il existe trois CMP sur l’arrondissement, « ça fait beaucoup » m’ont-ils dit et moi de commencer à justifier ce maillage, pensé depuis des décennies: « vous savez, les enfants, les poussettes, les femmes enceintes, les trajets difficiles et puis le travail de proximité avec les écoles, crèches, collèges, centre de prévention », la plupart ne m’ont pas écouté et ont continué à visiter les locaux, comptant le nombre de bureaux, pointant cyniquement que nous avions une « belle cuisine », c’est vrai qu’elle est pas mal notre cuisine, ça avait été un combat déjà il y a dix ans avec la cadre supérieure de santé de l’époque mais là, nous avions obtenu gain de cause. Cette cuisine sert certes de lieu où le personnel déjeune mais aussi échange sur les patients, les situations, elle sert aussi de lieu d’ateliers thérapeutiques pour les enfants ou de salle de réunion, elle est en permanence utilisée mais là encore, personne n’a daigné m’écouter. Et dire qu’ensuite, l’administration ne cesse de nous parler de la qualité des soins. De quels soins parlons-nous, de quelle qualité parlons-nous? Un autre secteur faisant parti du GHT dont fait parti mon hôpital a déjà fait les frais de cette politique de mutualisation des locaux, la machine est bien en route!

      Eh bien oui, il me semble bien que la pédopsychiatrie va disparaître puisque que nous parlons désormais que d’expertise, d’évaluation, de maladie, de prescription, de médicaments et de rééducation, et avec elle le secteur aussi. Je suis née la même année que la création du secteur, un an plus tard la pédopsychiatrie est devenue une discipline universitaire à part entière et malheureusement je vais voir toutes ces avancées et mon métier disparaître si nous ne nous défendons pas, si nous continuons tous à participer même indirectement à cette machine à effacer l’enfance, la pensée et le sujet.

      Il n’y a qu’à aller voir dans les pays anglo-saxons, porteurs de l’idéologie néolibérale annulant l’humain, ce qui est advenu de la pédopsychiatrie, réduite au néant en deux trois coups de cuillères à pot. En Australie, pays que je connais bien, mais c’est aussi le cas dans d’autres pays depuis, au milieu des années quatre-vingt dix, des « clinics », sorte de dispensaire spécialisé dans tel ou tel symptôme ou pathologie ont vu le jour, par exemple les ADHD Clinics c’est-à-dire des lieux prenant en charge uniquement des enfants qui aurait un déficit de l’attention et une hyperactivité, et pourtant entité nosographique bien controversée. Les pédopsychiatres australiens ont vu leur profession se réduire à être les référents médicaux de ces structures en ne voyant que les enfants et leurs parents qu’une fois par an et en prescrivant des médicaments donnés par des infirmières, de la rééducation psycho-sociale faite par des éducateurs de l’orthophonie, de la remédiation cognitive faite par les psychologues. Quasiment, du jour au lendemain, quid de la psychothérapie, du travail sur la dynamique familiale. Beaucoup de pédopsychiatres australiens sont partis et se sont installés en privé, faisant de la pédopsychiatrie australienne une véritable pédopsychiatrie à deux vitesses. Ces lieux sont financés par l’état mais il y a aussi des mécènes privés. Savez-vous qu’une aile de l’hôpital pédiatrique de Melbourne a été financée par Mac Donald? Et que donc dans l’entrée de l’hôpital, il y a un Mac Donald, quand on sait combien l’obésité infantile est un fléau dans ce pays.

      Pour l’instant, sur mon secteur, un comité formation a été crée pour tenter d’avoir toujours la main mise sur la formation, personnellement je n’applique pas ce que la charte impose en terme de délai pour un RDV et je ne l’ai toujours pas affiché dans la salle d’attente, je fais le strict minimum quant au dossier informatisé consacrant mon temps à mes patients, mon équipe, une petite poignée de soignants a formé un comité de lutte qui pour l’instant peine à mobiliser....

      Je suis optimiste et pessimiste à la fois, optimiste, car dans la grande majorité des cas les soignants au moins sont conscients et opposés aux dérives du GHT mais pessimiste, car sur le terrain, rien ne bouge vraiment, il y a une résignation qui me fait peur. Exception faite de certains îlots comme en Seine Saint-Denis où la mobilisation a été forte notamment à Ville Evrard ou aussi en Corse.

      Il faut être en nombre pour tenter de faire bouger les lignes et quand je vois cette assemblée, je me dis qu’il y aurait encore de l’espoir, car il y a vraiment danger, comme on a pu le dire quand on lit le rapport effrayant qui vient juste de sortir rédigé par Laforcade (directeur de l’ARS d’Aquitaine).

      Cathrine Laval

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      Les machines à effacer la formation

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      Anne-Claire Devoge

      Anne Claire Devoge militante des Cemea, c’est de là d’où je parle.
      Aux Ceméa, nous n’acceptons pas depuis 80 ans cette éducation traditionnaliste et depuis 80 ans nous avons une invention, une invention qu’est l’éducation nouvelle. Nous sommes les héritiers de la pédagogie institutionnelle et donc de la psychothérapie institutionnelle, quelques années après, et donc certains d’entre vous, nous ont rencontrés dans des stages infirmiers il y a de cela quelques années. Depuis 80 ans nous n’avons plus l’occasion de faire ces stages d’infirmiers psychiatriques. C’est cette histoire là qui fait aussi de nous des « résistants ». Des résistants parce que dès que nous pouvons être auditionnés par des politiques nous revendiquons effectivement qu’il y ait encore aujourd’hui une vraie place pour la formation initiale des personnels soignants de la psychiatrie. Et effectivement, Catherine a raison : Aujourd’hui, il y a une autre tendance, lourde, celle de la disparition de la pédo - psychiatrie. Nous ne l’acceptons pas ! Alors je vais essayer d’articuler mon propos en vous disant qu’il y a des possibles. Nous n’acceptons pas ! Mais il y a des possibles !
      Pour faire le lien avec ce que disait Roger Ferreri, sur l’HAS, j’ai été complètement catastrophée, nous qui sommes Organisme de Formation et qui proposons une offre en santé mentale / psychiatrie / médico-social. Les directives, arrivent auprès d’un organisme de formation qui doit donc déposer un dossier vous devez faire un enregistrement. - Agence / enregistrement c’est la nouvelle logique managériale de l’offre ; et donc commencer par montrer « patte blanche » ; Quand vous citez certains noms, Pierre Delion, Roger Ferreri, des personnes quand même qui sont marquées, marquées médiatiquement, c’est déjà une première étape, on peut dire de résistance que de pouvoir les nommer dans nos dossiers d’enregistrement. Car, c’est vrai, aujourd’hui il y a comme une suspicion : suspectés d’ appartenir à un courant, la psychanalyse, suspectés effectivement de participer d’un courant de pensée, qui aujourd’hui fait beaucoup parler, fait beaucoup écrire ; et nous sommes, par cet enregistrement, en plein cœur de ça.

      Alors sur ces directives, peut-être vous dire qu’il y en a 67 en 2016. Sur ces 67 il n’y en a que 2 qui concernent la psychiatrie, et il n’y en a pas une qui concerne l’enfance. L’enfance effacée de la formation professionnelle dans cet enregistrement du Développement Professionnel Continu (DPC), une machine qui nous est arrivée en droite ligne des années ARS en droite ligne des HAS des années 2010. Nous avons choisi, parce que nous résistons, nous avons choisi, quand même, de déposer un dossier.

      Dans le DPC, il y a plutôt un fléchage DPC par compétence, par filière, par discipline de santé. Et nous aux CEMEA nous défendons une conception de la formation qui est plus plurielle, pluri-disciplinaire, ça reste un casse-tête !! Puisqu’il faut que nous soyons enregistrés en tant que CEMEA pour former les infirmiers, pour former les médecins, pour former les éducateurs, pour former toutes les catégories professionnelles. Il faut que nous soyons enregistrés, il faut donc que nous donnions les noms, pour ça il faut donner les diplômes, donner les contenus de formation, les démarches…

      Le plus drôle c’est qu’on parle de « Développement Professionnel Continu » et qu’on a vu arriver quelque chose d’assez intéressant : une obligation à faire de « l’Analyse de la Pratique ». Formidable !!! Alors, là nous avons pu dire « ok, on y va !! ». Ah oui, mais quand vous allez vous enregistrer sur le site et que vous déposez votre dossier, Attention !!! Il n’y a que 5 courants d’analyse de la pratique qui sont référencés par le DPC ! Cinq courants anglo-saxons…

      Nous « l’analyse de la Pratique » vous savez comment ça se passe ? On arrive dans un stage, on prend du temps. Le temps. Le temps de poser une étude de cas, le temps de croiser les regards sur cette étude de cas, le temps aussi de permettre à un infirmier de raconter, là, la situation du sujet, la situation du sujet en interaction avec le soin, celle de la continuité éducative, soignante. Du temps, donc, du temps ! Pour analyser les pratiques !

      Le courant anglo-saxon n’a pas de temps pour analyser les pratiques. Ils ont des grilles… Des grilles à cocher, qui permettent effectivement de situer des actes, et de ne plus réfléchir à la fonction soignante dans ses articulations.

      L’analyse de la pratique c’est vraiment pour nous très important !! Et du coup il a fallu que nous choisissions l’un des courants anglo-saxons que nous avons adapté. Mais nous sommes des créatifs ! Premier exemple, du pourquoi de notre colère.

      Deuxième exemple, deuxième colère, que nous avons en ce moment ! Vous savez, c’est la ré-architecture de la formation…. On a vu les IFSI avec la masterisation du métier d’infirmier, du diplôme d’infirmier. Aujourd’hui il se passe la même chose pour tous les métiers du médico-social. Et il y a une confiscation de l’élaboration de ces métiers et donc des diplômes et des formations des premiers concernés. Une confiscation ça se passe comme vous l’avez bien dit dans des agences ou comme l’a très bien dit Philippe, « les ARS pensent que… » « Les conseils scientifiques pensent que… » Mais nous, là dedans ? Nous les praticiens, nous qui faisons effectivement ces métiers au quotidien, notre parole est complètement confisquée. Ce qui se passe est plutôt intéressant…

      Puisque, par exemple, il situe un tronc commun pour l’ensemble des formations niveau 3 du médico social. Une assistante sociale, un éducateur spécialisé, comme on dit, va pouvoir effectivement construire un parcours de formation ensemble. Vous comprenez que là nous sommes d’accord sur la notion du Pluriel, de la rencontre de ces métiers. Mais quand tout ceci vise à gommer les différences, quand tout ceci participe de cette logique de management libéraliste qui consiste à dire que : « puisque tu es assistante sociale, là, demain tu peux être éduc, là » Là, ça nous va pas du tout… On est aussi en résistance sur la ré architecture sur les métiers du médico –social et nous sommes là en résistance avec « Avenir éduc » un autre collectif.

      Peut être que nous n’avons pas fait état suffisamment dans le panel qui a été cité ce matin, de la loi sur le travail, et de la loi sur la formation professionnelle qui est arrivée deux ans avant. La loi sur la formation professionnelle pour les personnes qui sont sur du droit privé, consiste maintenant à avoir un grand centre national, c’est à la mode, il y a des agences, donc il y a aussi la rationalisation, et là il y a un grand centre national de l’emploi, de la formation de l’orientation professionnelles (CNEFOP). Parce que vous comprenez, il faut développer la formation pour qu’effectivement il y ait moins de chômage. Il faut que nous soyons de bons soldats à être mis dans les cases et effectivement ne plus penser. Nous tentons de refuser. Nous construisons des alliances avec le Collectif des 39, au sein du collectif Enfance aujourd’hui, à l’Ampi, hier, aux journées de Saint Alban… pour dénoncer cette orientation de la formation vue que sous le prisme de l’employabilité des personnes, pour dénoncer aussi la logique de non prise en compte du droit commun.

      si vous êtes professionnel de santé de la fonction publique, si vous allez sur le site, que vous allez sur le site du DPC aujourd’hui les caisses sont vides. Il n’y a plus d’argent en septembre. Donc en septembre, il n’y a plus d’argent, vous ne pouvez plus prétendre à un droit sur la formation professionnelle. Deuxième logique : c’est un droit sur la formation personnelle. C’est un compte personnel de formation. Voyez la logique comptable : « Vous avez le droit à ça, pas plus… ». Inutile de vous parler du droit individuel à la formation.
      Les formations longues c’est devenu une utopie, il faut avoir déposé son dossier pendant 7 ans pour pouvoir prétendre à ce qu’effectivement il soit étudié. C’est terrifiant.

      Et tout ce contexte participe aussi de ce qui est mis en œuvre dans la loi Travail, tout est fait pour mieux nous diviser, tout se situe pour que tout soit organisé, précisé du côté de l’entreprise, plutôt que du droit conventionnel, plutôt que du droit commun. Nous ne sommes pas d’accord avec ça.

      Peut-être vous dire aussi, pour conclure mon propos, que tout ceci est source d’inventions, de créations et de résistances ; je vais vous citer deux choses : on a construit en 2008 deux logiques. Une logique de formation des militants, et tous les ans on fait un week-end de psychothérapie institutionnelle en janvier, le 3e week-end de janvier, pour effectivement transmettre cet héritage à des jeunes copains militants des CEMEA. Deuxième logique nous avons construit un groupe « à panser ». A penser au deux sens du terme, penser et « p.a.n.s.e.r » ; un groupe ouvert tous les 2èmes mercredis de chaque mois et qui permet effectivement à partir d’un texte de VST de pouvoir ré-élaborer sur nos pratiques. Il me semble que ça c’est une proposition assez construite, qui nous re-permet de prendre pied qui nous re-permet ce tissage qui refait « enveloppe », parce que dans les services, dans les institutions, nous constatons le manque de ces lieux institutionnels pour penser pour « se penser » ensemble.
      Ca me semble vraiment vital au vu de tout ce qu’il se passe.
      Se penser ensemble !
      Merci à vous.

      Anne-Claire Devoge

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      Rimailleur

      Quand on aime on ne compte pas, on raconte

      Dans son introduction Liliane Irzenski nous rappelle que toutes les institutions qui accueillent les enfants sont débordées...
      Liste d'attente, pas de détente, quel monde de fous
      Pour résister que faire d'autre que se rassembler ?
      Que faire à part donner? Peut on tout pardonner?

      Normes sociales, normes qui déforment
      Normes du marché: il faut marcher ou... crever
      Enjeux comptable et bureaucratique
      Ainsi font font font les petites marionnettes
      Ainsi défont font font les liens entre les humains
      Ainsi défoncent défoncent défoncent les nouveaux médicaments
      Tiraline®, sponsor du meeting
      Tiraline® efface les tumultes de l'enfance
      Médication abusive, violence inoubliable et inavouable...

      Il faudrait développer la capacité d'écoute, plus que la capacité des gouttes
      Nous ne voulons pas guérir du symptôme de la pensée
      Alliance posée, mots bien pesés
      La pensée est une arme (et on ne va pas déposer notre arme)
      On va se dépenser ne pas s'opposer (entre nous)
      Arrêter de tout peser, de mesure pour enfin accueillir et
      La cueillir cette parole, car elle est mure.

      On ne va pas s'emmurer, non, on va se marrer
      Alors Philippe Rassat va lire l'appel
      C'est pas la pelle pour creuser sa tombe, non c'est l'appel par ce qu'on tombe
      Et qu'on va se relever.

      Pour Aider un enfant à grandir il faut l'aider à nommer
      Ce qui le déchire
      Et ce qu'il désir

      HAS, ARS, est-ce comme l'administration de l'ex-URSS sorte de CRS de la pensée.
      Une pensée musclée, bouclée, bouchée, boucherie, boue chérie, mais même les pieds dans la boue on peut rester debout.
      Arrêtons de nous taire, résistons, inventons...
      Et grâce à l'équipe de choc du Docteur Diafoirus du labo Novartus® on va pouvoir panser, et surtout dépenser...

      Parce que la santé cela coûte chère, messieurs-dames!
      Voila pourquoi la haute autorité de santé publique, indépendante et de caractère moral va provoquer l'évaluation des produits.
      Pour ceux qui ne comprennent pas les "produits" c'est des moyens techniques spécifiques pour rendre entendable, la raison affable, la construction de fables mentales affin d'offrir des moyens de prestations éducatives honorables en fonction des honoraires horaires pour rendre l'horreur, alors à l'heure actuelle vous devriez avoir compris.
      Et si vous n'avez pas tout compris, l'équipe du Pr Diafoirus va faire une évaluation tout à l'heure.

      Donc après l'autocritique en URSS l'autoévaluation en ARS-S
      Non je blague, moi je suis un comique, je ne suis pas responsable de ce que je dis, c'est pas moi, c'est les autres (parce qu'il pourrait y avoir des agents secrets dans la salle... Même peut être des huissiers )

      Le contrat de CPOM, c'est un truc avec Apple? C'est "pomme", non?
      Ha non, c'est les pommes d'Adam, qui fait la chute, mais chute... on nous écoute.

      Evaluation:
      Est ce que vous avez bien écouter Philippe Rassat?
      Il a dit que pour réduire les dépenses il faut

      1. rogner?
      2. renier?
      3. grogner?
      4. râler?
      5. ronger?

      Le métier de pédopsychiatre est en voie de disparition comme les pingouins et les ours blanc, contrairement aux cols blanc qui eux s'adaptent très bien au changement climatique.

      Les CMP c'est comme les compagnies aérienne: booking, flapping flopping, camping, overbooking
      Et la psychanalyse, rappelons le, c'est comme un train.
      Car l'inconscient, comme la SNCF ne connais pas le temps.

      Dans le CMP de Catherine Lavalle ils ont une belle cuisine.
      C'est important dans le soin de pouvoir faire sa petite cuisine.

      A mort le transfert, vive l'évaluation
      Au CEMEA ce sont des militants méditant sur les évolutions sociales
      Le DPC c'est un truc pour dépecer la pensée, une histoire de décès.
      Vous savez les DC: Domaines de Compétence

      Dans les formations soit on a du temps, soit on a des grilles
      Et si l'heure loge hors de l'horloge, où loge l'or?
      L'or est ce qu'il brille hors des grilles?

      Aujourd'hui le système nous impose de tout compter.
      Mais quand on aime on ne compte pas...
      Quand on aime on raconte.


      Les pratiques à inventer sont comme de petites lampes qui éclairent la nuit sécuritaire.
      Moi j'écris à l'endroit et en vers.
      L'endroit, c'est ici (à la maison de l'Arbre à Montreuil)
      Et mes vers sont luisants, tentant d'éclairer d'un éclat la poésie du quotidien.
      Toute la journée vous assisterez à des lectures de texte. C'est une nouvelle pièce de théâtre contemporain qui va bientôt être adapté par tout un cinéma.
      C'est bien sur les texte du grand auteur, malheureusement encore méconnu du grand public j'ai nommé Laforcade

      Vous trouverez le programme dans l'indélébile car nous ne sommes pas l'un des débiles... Le parti pris c'est de ne pas être trop précis dans le langage:
      Interprétation libre, mouvement du langage, gage de compréhension, sans appréhension et sans dévoyer, être des voyants-regardés
      Apprendre à faire seul. Le bébé pour faire seul sans la mère utilise ses petits pouces, ses minipouces.

      Valéry guette le moment en tant que maman. Elle rentre en résistance.
      Valéry Gay fait partie d'une secte. Comme les gens de ce truc non recommandé, vous savez... La psychothérapie institutionnelle .
      Téo (son fils autiste) parles son propre langage: aouayé, oyéyé, etc...
      Certains ont fait des chansons avec ça par exemple: "poupoupidou", "bibapeloula"
      Mme Gay a appris à regarder Kirikou grâce à son fils. Tosquelles disait qu'il fallait apprendre en montant sur les épaules de nos pères... Mme Gay a aussi appris en montant sur les épaules de son enfant... Mais les administratifs son tellement bêtes qu'il ont cru que c'était au sens premier et que Valéry se déplaçait sur les épaules de Théo.

      Ha c'est beau les mots, cela permet une sorte de deuxième naissance. Théo est Némo, le monde de Némo c'est ses mots.
      Après "Danse avec les loups" c'est Danse avec les tortues".

      Dire "l'autisme est une saloperie", est-ce dire "l'autiste est une saloperie"?
      Bon ce n'est pas moi qui l'ai dit, d'ailleurs c'est juste une question que je pose, c'est du comique dramatique... Donc vous témoignerez avec moi quand je serais convoqué par les huissiers?
      Suis-je cynique? Est ce une clinique? Certains se sentent sinistre et ça... c'est leur manière de se sentir seul.

      Un collectif cela requière toujours plus.
      Plus de temps, plus de moyens...
      L'équipe de l'IME la Pinède est un collectif
      Ateliers de peinture, exposition, explose le son, quelques tableaux sur la table haute et des tréteaux, parfois très tôt, des fois très tard, est-il trop tard?
      La lutte a commencé depuis longtemps, d'ailleurs le psychiatre François Tosquelles à écrit un recueil de poésie, intitulé "La chasse aux mots" qui mélange psychiatrie résistance et poésie.


      Pierre Dardot est monté sur le podium, donc c'est la médaille d'or.
      Il est en place, en pôle position.
      Il y a une nouvelle anti-psychiatrie et cela vaut la peine d'analyser cela.
      Dans psychiatrie il y a deux concepts que l'on oublie quand on fait de la "psy qui trie".
      L'ancienne: il faut protéger les fous de la société
      La nouvelle: il faut protéger la société des fous

      Il est un peu absurde de prêter une idéologie au gouvernement, car pour avoir une idéologie il faut avoir des idées... Donc il faut penser.

      Petite évaluation. On va faire un grand jeu sous contrôle d'huissier.
      Pensez vous que les hommes politiques ont des idées?
      Pensez vous qu'ils ont des pensée?
      Pensez vous que leur seul objectif est juste d'éviter des pensées... Enfin d'éviter de dépenser ?

      Valorisation du diagnostique médicale: Comme je le disais tout à l'heure, la psychiatrie c'est un peu comme la SNCF, il faut mettre de petites étiquettes sur les bagages ou sur les gens.

      Valorisation du regard médical: la crise d'angoisse est un comportement problème. Dans "comportement" il y a con, porte et ment...
      C'est une histoire fondamentale (®)

      Alors non, je n'ai rien dit, je n'en parles même pas, quand je dis FondaMental cela n'a rien à voir avec la fondation qui fait du lobbying pour les médicaments, la fondation FondaMental. Je ne l'ais pas dit, vous effacerez cela aux enregistrements...

      Donc le mental menthol ment-il?
      Je crois que labo Novartus®, ici présent, fait partie de l'association FondaMenthol®
      Et eux, ils sont gentils: ils vont pouvoir nous améliorer dans nos comportements.

      Un scoop, pour terminer:
      "Dardot n'est pas en contact avec le pape François, pourtant avec lui on peut papoter..."


      Prenez votre traitement et si les symptômes persistes insultez votre médecin.
      Et si votre médecin vous traite sans vous écouter, alors vous aussi traitez le de ce que vous voulez: de con, de crétin, d'imbécile ou d'autre choses... Et vous verrez qu'il vous écoutera.

      L'humour c'est important c'est un appeau pour les oiseau, la poésie aussi c'est un langage pour les oiseaux.
      Finalement peut être que la vraie fonction du médecin psychiatre est de presque-rire.

      De nos jours on empêche les humains d'émigrer tandis que les mots migrent
      Handicap est une catachrèse comme les couteaux qui deviennent tournevis
      (Et dans catachrèse il y a cata)

      Donc le mot handicap a voyagé, il vient de pays Anglo-Saxons comme management, évidence base medicine, ou encore weekend ou meeting.
      De là à dire que faire un meeting un weekend ce soit un handicap il n'y a qu'un pas... Même si le nombre que nous sommes ici prouve le contraire.

      La psychiatrie organiciste avait fait de belles promesses. Mais 70 ans après pas de gêne ou de molécules qui ont résolut le problème.
      Des psychiatres organistes il y en a plein, même des très bien: Pierre Delion par exemple.
      Malgré ce qu'on croit Pierre Delion est un organiste... Il joue de l'orgue.
      Il fait de l'orgue et sans morgue.

      Maintenant les réunions à l'école s'appellent ESS. Est ce que cela à un rapport avec les SS? Bon, alors non j'ai rien dit, je n'ai pas fait de comparaison avec les nazis, je n'ai même pas dit le mot "nazi"...
      Enfin c'est juste pour la rime à laquelle je m'arrime, c'est de la poésie, de l'humour, la licence poétique...
      Je précise parce que certains ont étés inquiétés dans leur boulot pour avoir écrit une lettre en parlant de nazis

      La pédagogie, comme la psychanalyse doit s'appuyer sur une autonomie qui n'existe pas encore.
      L'important c'est de parler en-corps, parler depuis son corps
      Espace de flânerie, espèce de rêverie, espace ouvert à l'envers, l'envers du système actuel car si je t'aime je change six thèmes du système:
      Changer le rapport avec l'art et avec les gens
      Changer le rapport avec l'argent
      Changer le rapport aux mots et à soi-même
      Changer le rapport à la pensée
      Changer le rapport au soin et à l'éducation...

      Alors "l'art", "les gens", "l'argent", "les mots", "soi-même", "la pensée", "le soin", "l'éducation"... ça fait...Oui ça fait bien six thèmes.
      Bien sur vous pouvez en rajouter d'autre si vous voulez (par exemple changer le rapport avec la manière de compter)

      Dans les labos de FondaMenthol® ils inventent des molécules mais ils cherchent surtout à créer des maladies.
      La femme de celui qui a inventé la Ritaline® s'appelait Rita. Du coup je me demande si c'est sa fille ou son amante qui s'appelais Line
      Ou alors non, la Ritaline® c'est un truc de mafieux Italiens: la Rital In

      En fait Léon il a fait ses confessions
      Vous savez Léon le film de Besson avec Jean Réno. Léon c'est le nettoyeur, ou plutôt l'effaceur... Vous savez l'effaceur de l'enfance.
      Il n'est pas le seul responsable, il s'est confessé depuis (contrairement aux autres)
      Pendant 10 ans, sous le IIIème Reich tout le monde prend de le Pervitine®, sorte d'amphétamine la même famille que la Ritaline®... Et on a vu ou cela les a mené.

      Il y a eu un changement dans le métier d'enseignant. Maintenant cela se passe derrière un ordinateur.
      Mais amis enseignant rassurez vous: c'est pareil pour les soignants grâce à la télé transmission.


      Il ne faut pas nier le panier de services disponibles, une histoire de cadis
      Les cadis c'est pour les enfants, vous savez "Jacques cadis"
      Christian nous dit qu'ils veulent nous faire croire qu'il n'y a qu'une seule science.
      A l'hôpital d'Uzès ils sont bien placé pour savoir que ce n'est pas si simple, car l'hôpital psychiatrique d'Uzès s'appel: Carré Rond (Careiron)

      On veut nous faire croire que le monde est un monde sensible. Mais ce n'est pas vrais on ne vit pas dans un monde sans cible, on vit dans un monde avec cible.
      Il y a des cibles simple et claires: faire baisser le symptôme, faire baisser les coûts, faire baisser, faire baisser, faire baisser... Baisser pour baiser, et oui "le baiser des amants" devient "un bombardement de molécules micro chimique".

      La voix d'outre tombe de madame Mondzain n'est pas un problème de micro mais un problème de microbe.
      Madame Mondzain est retournée en primaire à l'école et cela l'a fait grandir. Comme quoi il n'est jamais trop tard. Et ce n'est pas fini.
      Avec les lépreux on a trouvé un médicament qui résout le problème: c'est le tourisme.

      Il faut accorder de l'importance à l'histoire. Par exemple cette histoire de lépreux.
      On est tous les lépreux parce qu'on n'a pas peur. On est les preux. C'est une histoire de courage.
      Je dis cela mais n'enregistrez pas car apparemment il y a des huissiers dans la salle.
      La confiscation des mots: Hostice, hospice, hostie, hostile...
      Moi je n'ai pas le style hostile, j'ai le stylo stylé. Mon style haut, mon stylo, est mon hostie pour lutter contre la bureaucratie.

      Tu es celui qui en moi était en manque de toi. En manque d'émoi.

      Liberté égalité hospitalité, se laisser hospitaliser par les patients disait Helene Chaigneau
      Se battre pour la démocratie c'est aussi lutter contre des mots crasseux et ça le psychiatre François Tosquelles faisait cela très bien :

      « Je crois qu’on a tort de laisser la pratique de la psychiatrie aux psychiatres et aux neurologues ou aux dés-aliénistes, aux éducateurs, aux flics et aux anti-flics

      La psychiatrie, ça n’existe pas.
      Je propose qu’on appelle les " bons psychiatres”
      des "déconniatres".
      Notre objet, c’est le déconnage.

      Notre chemin va du déconnage à la science, de la langue des connotations, des intonations aux concepts lucides et à l’être en question, c’est-à-dire, par la parole, au sujet, qui s’annonce, se cache et parfois sombre dans l’ombre, dans l’ombre de la folie, qui empare le sujet souffrant de son manque d’être.
      Et ne crie point sa souffrance aux 4 vents
      »

      François Tosquelles, La chasse aux mots, 1972

      Tolten

  • Inventons des Pratiques (I)

    Échanges animés par Bruno Tournaire Bacchini

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      Caché dans la lumière

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      Marie Deslandes et Damien Taburet

      Cet atelier est une naissance qui s’inscrit dans des rencontres avec des enfants qui se trouvent dans des situations d’attentes et de difficultés de ne pas avoir de place à l’école ou ailleurs. Ils figurent dans des projets qui ne voient pas le jour, dans des perspectives en attente, non articulées.
      Il y a une notion d’isolement, d’impuissance et d’un silence...une stase...quelque chose qui a lieu mais qui n’advient pas.
Alors face à ce constat qui, hélas n’est pas tellement neuf, à Vitry sur seine au CMPP, nous avons mis en place ce projet et accueillons 2 fois par semaine des enfants très hétéroclites dans leurs problématiques, des enfants qui ne trouvaient pas d’inscription.
      Il y a sans doute là une héritage d’un certain projet inaugural de ce CMPP
« L’imagerie » de mêler à la fois la psychanalyse et le culturel et c’est de la place de chacun que les premiers contacts, par des collègues de notre équipe, nous ont orienté vers l’école d’art plastique de Vitry.
Nous avons alors pensé un montage puis pris la décision de nous déplacer, de quitter nos habits réguliers, notre posture professionnelle repérable pour nous rendre avec les enfants à l’école d’Art. Nous rendre vers l’inconnu et l’infamilier... autre traduction possible de l’inquiétante étrangeté.
Egalement nous avons choisi de n’être pas les seuls constituants de ce groupe et pour se faire la présence-absence d’un plasticien pendant les séances à lieu (présence-absence parce que pour des raisons budgétaire il ne peut être là qu’une fois sur deux) aussi une stagiaire psychologue travaille avec nous. Nous devenons
      alors, ce que Jean-Michel Carbunar qui fut à l’origine de ce projet, appelle des Psychoplastes!
En temps et lieu nous essayons de faire se délier puis lier en chacun, avec tout ce qu’il pourra, un déplacement psychique en corps et en langage; Nous cherchons à faire avec ce qui va nous déplacer. Une mise en mouvement pour sortir de nos fixités.
Alors il y a des ficelles dans ce travail, comme par exemple être un peu fou, joyeusement flou pendant les séances afin d’être moins défensif par rapport au réel de l’existence et trouver à regarder la vie et la mort de façon vivante.
Pour cela nous travaillons dans ces ateliers à recevoir ces formes fixes qui souvent se dénaturent en informe monstrueux. Regarder avec pour mettre en regard et faire bouger dans la parole, par la parole. Comme pour cet enfant qui venait aux ateliers dans une forme de mutisme et qui se dirigeait systématiquement à l’une des fenêtres. Pendant des séances et des séances son regard était comme aspiré vers le dehors et son visage exprimait une anxiété, ce qui nous le faisait penser davantage comme un guetteur que comme un voyeur. Alors nous lui avons proposé des fenêtres que nous lui confectionnions pour qu’il se déplace avec nous dans l’atelier, ou bien un oeil accroché à un ressort au bout d’une perche pour précéder ses pas, toutes formes de lunettes fabriquées ou empruntées et puis des yeux, une bouche et des oreilles en pâte à modeler collées de l’autre côté de la fenêtre, formant ainsi un visage qui nous regardait. Etre vu dedans...et puis un jour l’un de nous a prit sa place à cette même fenêtre, les yeux clos évoquant alors un dormeur, un regard vers l’intérieur et filant la métaphore nous avons construit une
      porte attenante à sa fenêtre. Il est alors venu s’asseoir autour de la table avec nous échangeant quelques mots.
      Avec le regard d’un plasticien qui occupe une place d’une présence autre, avec un visage, nous devenons des voyants regardés. Etre vu voyant, se voir et voir l’autre. ( Il re-garde de moi dira ce même enfant).


      Autre ficelle pour ce travail, nous avons besoin de ne pas être trop précis avec les enfants (ce qui nous est assez facile puisque nous n’avons pas de technique précise ni dans notre demande au plasticien ni personnellement pour nous deux. De plus, le temps de la séance nous met dans une forme de panique intérieure. Panique parce que les mots sont là, nos mains aussi et qu’il va être question des faire émerger des formes pour raconter, proposer quelque chose de vivant dans ce que nous entendons. Et cette panique nous aide à être créatif...C’est un précipité, de la chimie, une performance dirait les plasticiens. Mettre en image les mots dans une sorte d’interprétation libre.
      Une enfant arrive dans l’atelier, dans un tourbillon de questions autour de la place, de la présence, de l’absence , d’être nommée ou oubliée. Nous pourrions le dire ainsi, à la maniere de Gertrude Stein dans son merveilleux petit livre poétique « le monde est rond »:« Rose était son nom et aurait-elle été Rose si son nom n’avait pas été Rose. elle avait l’habitude de penser et puis de penser encore. Aurait-elle était Rose si son nom n’avait pas été Rose et aurait-elle était Rose si elle avait été une jumelle. »
      Toute son angoisse trouvait à s’exprimer dans une production verbale menaçante. nous l’écoutions cherchant à apaiser cette tempête d’image-mot et l’un de nous tout en tenant dans ses mains une pelote de fil de laine rouge et se mis à écrire son prénom sur le sol. Il faut imaginer visuellement cette scène: sur le lino bleu son prénom qui s’écrit avec ce fil de laine rouge, les lettres se brodent progressivement, s’attachant les unes aux autres. Cela prend un peu de temps et c’est au moment où de la fin qu’elle attrape l’origine du fil avec lequel a été inscrit les lettres de son prénom et dans un geste vif, elle tire dessus provoquant ainsi comme dans un souffle sa totale disparition...Et dans un contact corporel elle nous entoure alors de ses bras.
      Ce dont nous nous sommes rendu compte c’est que ces enfants souffrent de trop de précision , jusqu’à une forme de réduction (peu de mot, peu de mouvement, peu d’espace) Deleuze parlait de la souffrance morale comme un excès de voir.
Alors comme dans un mobile on essaye de mettre de l’air et que ce soit cet air qui fasse appui pour permettre le mouvement, un déplacement afin de rencontrer de l’équivoque dans les signifiants et que ce soit le signifiant qui l’emporte!
En quoi ces enfants ont à faire avec un monde plein d’étrange étrangeté où les paroles perdent leur polyphonie et où eux même pour ne pas avoir davantage peur refusent d’imaginer autre chose que leur point fixe, comme s’ils se dénaturaient de toute intériorité. La terreur comme fixité où plus aucun jeu ni humour ne peut avoir lieu.
      Avec ce mouvement vers cet inconnu, l’inauguration de ce travail a pu nous faire croire en l’importance de créer de l’objet à travers des matières malléables, plastiques et statiques des objets vivants et mobiles,des objets par moment, des objets à la fois vifs et tellement dépourvus.
      Comme cet enfant qui est arrivé avec des sons qui sortaient de sa bouche sans que nous puissions les comprendre. Mais il avait un geste, un tracé remarquable et sur de grandes feuilles, sans lever la main il faisait apparaitre de somptueux oiseaux et leurs becs. Il faut ajouter que dans son prénom on entend le souffle. Durant une séance , Damien se promenait dans la salle avec une sorte de bâton- tube en polyester bleu posé en équilibre sur le haut de son crâne. Chacun de notre place le regardions dans sa traversée, suspendus jusque dans notre respiration. A un moment, devant cet enfant il se mit à accompagner son déplacement de gestes amples de ses bras évoquant alors l’image d’un très grand oiseau. Le garçon se saisit alors d’un autre même bâton et faucha dans un geste précis celui situé sur le sommet de la tête de Damien. Puis il le convoqua dans un jeu de duel jusqu’à ce qu’ensemble ils se touchent en plein coeur...
      Pour autant nous avons choisi de ne garder aucune production comme pour laisser un statut de figuration, de rêve, une dimension poétique du langage. Tout en créant, un détachement a lieu quant à l’objet et son aliénation qui s’y nourrit habituellement.
Ce style de travail a pu nous faire sentir à quel point chaque enfant pour jouer de sa parole et de sa pensée avec d’autres, doit rencontrer non pas uniquement le
      sens, la signification mais toutes les marges musicales de chaque mot, entre les mots, les homophonies, les ratures, les silences, les répétitions et fondamentalement le rythme, la scansion,l’accident et la musicalité.
Ainsi nous mêlons des éléments de la vie réelle avec la fiction et les faisons coexister.
      C’est une navigation entre fiction et réalité avec des dialogues, des interactions, des descriptions. On essaye d’accueillir pendant ce temps-espace de l’atelier les formes fragiles, les échanges improbables, les mises en regard entre le visible et l’invisible. C’est une façon pour nous de questionner les formes de liberté et la quête du bonheur.
      Marie DESLANDES Damien TABURET
CMPP « l’imagerie » Vitry sur seine CMPP " l’imagerie " Vitry sur seine

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      Apprendre à faire seul

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      Pierre-Emmanuel Massoni

      Bonjour à tous, je suis Pierre-Emmanuel Massoni, je suis cofondateur et directeur de l’association « Les Minis Pousses », je mets une plaquette ici.

      L’idée c’est de présenter un peu ce qu’elle est, dans sa troisième année d’existence, voilà, je vais plutôt essayer de dire qui on est, ce qu’on fait, avec qui, dans quelle articulation sur un certain territoire actuellement à Paris, dans le domaine de la prévention pédo-psy, c’est à dire une structure associative satellite des dispositifs, des structures et des professionnels du champ social, médico-social et sanitaire.

      L’idée de créer cette association elle vient aussi d’un parcours personnel où j’ai été danseur professionnel pendant un certain nombre d’années puis j’ai fait la formation d’infirmier, je me suis spécialisé en psychiatrie, pédopsychiatrie et j’ai travaillé pendant un peu plus de six ans en C.E.P. et surtout en Hôpital de Jour.

      Donc l’idée c’était de proposer un dispositif de prévention, de prévention précoce pour des enfants qui présenteraient des troubles et pour lesquels on pense qu’un dispositif plutôt léger, c’est à dire un accueil et un accompagnement une fois par semaine pourrait suffire pour aider cet enfant et cette famille à mieux se porter.

      Comment on travaille ?

      On travaille sur deux axes principaux : des médiations artistiques à visée thérapeutique et des groupes autour de la guidance de la parentalité.

      Les groupes à médiations artistiques : l’idée c’st d’accueillir des enfants qui ont de trois à huit ans dans des groupes de six à huit enfants maximum, dans des ateliers animés toujours par des artistes professionnels : danseurs, acteurs, musiciens, plasticiens, et il y a un groupe conte aussi, et toujours encadrés par deux à trois professionnels de l’enfance. C’est à dire des professionnels qui soient éducateurs, éducateurs-jeunes enfants, psychologues, psychomotriciens, pédopsychiatres peu importe, l’idée c’est que les ateliers soient toujours animés par un professionnel artiste et encadrés par ces professionnels de l’enfance.

      Les ateliers sont toujours suivis de ce qu’on appelle un post-groupe, c’est à dire une analyse des pratiques systématiquement pour pouvoir penser chaque enfant à l’intérieur du groupe et réajuster une pratique, je ne vous apprends rien. Ce sont des groupes fixes et les enfants viennent une fois par semaine. On ajoute à ça, une fois par mois, le samedi, un grand atelier où là c’est l’occasion de mélanger les enfants de différents groupes pour, par exemple, un atelier à thème avec un artiste exceptionnel, enfin extraordinaire par rapport à ceux qui sont fixes sur l’année, sur un atelier à différentes médiations artistiques. Et donc on peut mélanger des enfants de différents âges et groupes à ce moment là.

      Nous nous articulons avec différentes structures médico-sociales, sanitaires mais aussi aves l’éducation nationale, c’est à dire qu’on travaille avec les écoles énormément, les CMP, CMPP, PMI et ASE, de plus en plus, et avec les centres sociaux de la CAF.

      C’est à dire, lorsqu’un professionnel de ces structures là repère un enfant ou une famille en difficulté et qu’il pense qu’une médiation artistique ça pourrait être pas mal, il nous appelle, nous présente une vignette clinique de la situation et nous, dans ce cas là, si on estime que c’est pertinent et qu’il y a de la place à ce moment là, alors on va accueillir la famille, essayer d’entendre la demande des parents et de proposer un parcours le plus adapté au besoin de l’enfant, c’est à dire faire de la danse, ou de la musique , ou un groupe conte ou un groupe art plastique. Ce n’est pas parce qu’il y a de la place que l’enfant est orienté, c’est pour des raisons cliniques. Des enfants qui ont des difficultés sur le plan psychomoteur iront plutôt vers la danse, etc, etc.

      Avec ces structures de soin ou de l’éducation nationale et avec des structures artistiques, par exemple on a travaillé, l’année dernière, et on continue cette année, avec le Cirque national de la Porte de Pantin, avec le Théâtre de la Ville, avec le Centre Pompidou. L’idée c’est de faire des sorties, et ces sorties là et ces pratiques là, parce que des fois ce sont des ateliers un peu extraordinaires le week-end, elles se font parfois avec les parents. C’est l’occasion aussi que l’enfant puisse inviter ses parents à participer à des ateliers.

      Donc ça c’est le premier axe autour de la médiation artistique.

      Mais le deuxième axe c’est la guidance de la parentalité, elle se fait en partenariat avec la CAF essentiellement dans les centres sociaux. Ce sont des accueils parents-enfants de type maison verte, on n’a pas inventé grand-chose. La seule grande différence c’est que les familles qui viennent elles savent que c’est parce qu’il y a quelque chose qui ne va pas, qu’il y a de la souffrance, de la difficulté dans la parentalité, au contraire de l’anonymat qu’on connaît dans les maisons vertes.

      Le travail de synthèse et de constellation est aussi très important entre les partenaires et les familles, c’est à dire les partenaires qui nous orientent, qui sont en co-suivi. Parce que parfois les enfants nous sont orientés par un psychologue scolaire ou un médecin scolaire, ce sont vraiment les orientations les plus nombreuses, et si on se rend compte qu’on est pas suffisant, que les ateliers artistiques même avec un professionnel c’est pas suffisant, que l’enfant a besoin d’une psychothérapie, de psychomotricité, d’orthophonie parallèle et bien dans ce cas là, on va aller vers les CMP, CATTP et aussi des consultations dans des cabinets privés, pour ne pas emboliser encore plus les listes d’attente des CMP et si les parents ont les moyens de payer, ça peut se mettre en place en parallèle vers des cabinets en ville. Il y a donc parfois un partenariat, un co-suivi pour les familles et les enfants en plus de nous et cela prend beaucoup de place tout ce travail de synthèse, de constellation avec les différents partenaires qui accueillent et accompagnent ces familles. Parce que l’on se rend compte dans certaines situations que lorsque ça se parle et qu’on partage un petit peu nos éprouvés et nos expériences auprès de ces familles, il y a des progrès, il y a un réel mieux être.

      Je dirais par rapport à notre mission, action, éthique, utopie : L’idée c’est d’aider l’enfant à comprendre le cadre, à s’en saisir et à y prendre sa place, c’est l’accompagner à composer avec le groupe et l’éveiller à prendre conscience de son corps, à être attentif à lui-même, à écouter ses sensations, ses sentiments et à soutenir l’émergence de son désir au travers de propositions favorisant l’expression de lui-même et de sa propre créativité. De l’éveiller à une complétude en relation avec l’Autre, les autres et le monde.

      Merci.

      Il y a un site internet aussi, si vous souhaitez le connaître, on peut se rencontrer à un autre moment, aujourd’hui plus tard.

      Pierre-Emmanuel Massoni

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      Renaître avec Kirikou et plonger avec Némo…

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      Valérie Gay

      Prologue

      Lors de l’émergence de l’autisme de Théo, j’ai pris la décision de mettre ma carrière de musicienne en panne pour être entièrement disponible, à son écoute.

      Je n’ai jamais regretté cette décision même si parfois elle m’a coûté, car je sais que c’est ce qui a permis à Théo d’être suffisamment en confiance dans un quotidien cohérent et adapté, pour revenir vers nous.

      Le débat sur ce sujet est délicat.

      Les parents d’enfants handicapés, au même titre que tous les parents, devraient avoir le choix de garder une vie active sans que cela ait un impact sur la qualité de vie de leur enfant.

      Mais il s’avère, dans notre cas en tous les cas, que les rares propositions de prise en charge pour Théo n’étaient tout simplement pas acceptables.

      Il n’a jamais été possible de trouver une solution qui permette une continuité dans son accompagnement. Et quoi qu’il en soit, dans aucune des solutions proposées, les parents avaient un droit de regard, et encore moins d’intervention.

      Je ne suis pas prête d’oublier ces propos tenus par un ORL à l’hôpital de Chambéry où Théo passait des tests d’audition, qui suggérait qu’ayant déjà 4 autres enfants, je pouvais en quelque sorte faire le deuil de celui-ci en me délestant de toute responsabilité auprès d’une institution.

      • Si vous voulez mon avis, m’a-t-il dit, l’autisme est une vraie vacherie, et vous n’avez pas fini d’en baver…

      Vous imaginez sans peine dans quel état je suis retournée chez moi, mon fils dans sa bulle, mon avenir dépeint de la sorte.

      Ce que j’ai constaté lors de cette période particulièrement difficile où l’on a fait différents tests sur Théo, c’est que son état empirait à chaque fois qu’il était au contact « des autres » … Chaque fois que ses journées ritualisées étaient bousculées, chaque fois qu’il était confronté au bruit, aux odeurs, au stress du monde extérieur.

      A la maison ce n’était pas tout rose, certes, mais bon-an mal an, on parvenait à le maintenir le plus apaisé possible et nous avions trouvé un rythme particulier dans lequel ses troubles semblaient s’amoindrir et que nous pouvions à minima garder sous contrôle.

      Nous prenions le « pouls » de Théo, jour après jour, nous adaptant à son état.

      Nous avions même inventé un « vocabulaire interne » pour nous prévenir les uns les autres de ce que nous avions constaté.

      • Attention, il est borderline… attention, il est débordé… là, il faudrait moins de bruit, moins de lumière… Il a été contrarié déjà plusieurs fois, lâché du lest etc…

      Ce n’est pas que nous mettions notre vie de côté pour lui ! C’est que nous l’adaptions à son état.

      Et les quelques fois où nous ne l’avons pas fait, tout le monde a payé le prix fort, que ce soit lui, ou nous.

      Alors bien sûr, on s’est très vite coupés du monde… parce qu’on peut demander aux parents de modeler leur vie sur leur enfant le plus fragile. On peut demander aux frères et sœurs de faire la place nécessaire pour ce petit frère particulier…

      Mais comment demander aux autres de s’adapter, de supporter les cris ou les silences, les balancements, les bruits incessants, les griffures et les bleus, la couche à changer jusqu’à presque 6 ans, les sujets de discussions restreints, et la permanence de sa présence, car bien sûr, il n’est pas possible de le faire garder par qui que ce soit… d’ailleurs, personne ne s’est jamais proposé.

      C’est pourquoi il est fondamental de parvenir à créer une passerelle entre les institutions à charge de nos enfants particuliers et les familles qui souhaitent s’investir du mieux possible.

      Une passerelle permettant la pérennité et la cohérence de la manière d’être, la manière de faire.

      Un cheminement commun où chacun serait gagnant.

      L’enfant tout d’abord puisque ce chemin serait adapté à sa manière d’être au monde.

      La famille ensuite, qui pourrait se faire épauler, entendre, comprendre, seconder, conseiller…

      Les professionnels finalement, qui pourraient s’emparer de cette partition adaptée à l’enfant et nourriraient leur savoir clinique de toutes ces petites choses qui composent l’identité quotidienne de l’enfant qu’on leur a confié.

      C’est pour cela qu’aujourd’hui je prends le temps de témoigner.

      Pour que se mette en pratique ce désir de partage que je sens fortement de part et d’autre. Que cesse les querelles d’un autre âge et que cette passerelle s’agrandisse et se fortifie.

      Renaître aux côtés de Kirikou puis plonger avec Némo

      Alors qu’il était dans sa deuxième année, l’autisme a englouti mon fils Théo

      En quelques mois, tous ses acquis ont disparu. Le langage, l’expression, le toucher, le regard. Chaque jour apportait son lot de disparitions malgré nos tentatives désespérées pour le ramener vers nous.

      Enfant colérique et triste. Voilà ce qu’il devenait et personne dans son entourage ne semblait plus compter pour lui.

      Au plus fort de ses tourments, il s’automutilait pour ensuite se murer dans un silence têtu et imposant.

      Toute la famille, touchée en son cœur s’est mise à l’arrêt, en attente de ce petit dernier qui, empli de toute son importance, semblait nous demander de ralentir le pas.

      L’une des choses qui m’est apparu le plus étonnant, c’était la perte du jeu.

      Ses petites voitures notamment, qu’il aimait tant faire rouler jusqu’alors, n’étaient plus destinées qu’à être alignées, tout comme ses cubes qui dorénavant ne servaient qu’à former un espace symétrique au centre de sa chambre.

      Durant des mois, il n’a fait que tripoter tout ce que nous lui donnions. Faisant rouler entre ses mains, amenant près de son visage pour sentir goulument.

      Il gesticulait les mains en l’air, se perdait dans les raies de lumières.

      Son rapport au monde semblait n’être fait que de sensations solitaires.

      Les médecins consultés nous ont dit que c’était un enfant roi, un petit dernier à qui nous passions tout, un gosse mal élevé en quelque sorte.

      D’autres nous assuraient que ça lui passerait, qu’il est sûrement hyperactif ou sourd.

      C’est nous qui avons avancé l’idée qu’il est peut-être dans le spectre autistique, mais on nous a conseillé de ne pas être paranoïaques, de ne pas nous affoler pour rien. On nous a encouragé à être patients !

      Nous avons demandé un diagnostic au CRA de notre région où on nous a annoncé deux ans d’attente.

      Nous nous sommes alors présentés au CAMPS de notre ville qui a vaguement parlé d’une psychose infantile avant de diagnostiquer au bout de plusieurs mois un autisme typique. Pour autant, en manque de personnel qualifié, ils n’ont pas pu nous proposer autre chose qu’une orthophoniste tous les 15 jours et une psychomotricienne une fois par mois.

      Personne ne semblait vouloir nous aider et notre inquiétude commençait à énerver notre entourage. Le vide s’est fait autour de nous. Très vite.

      Alors nous avons cherché avec frénésie des solutions sur Internet.

      Nous avions tellement besoin de communiquer ! De partager. Mais plus que tous, nous avions désespérément besoin de réponses et d’espoir.

      A travers les sites et les forums, nous avons été confrontés à l’envahissement du comportementalisme. Mais tout ce que nous avons lu à ce propos nous effarait et ne correspondait absolument pas à ce que nous souhaitions pour Théo.

      Nous ne cherchions pas des recettes pour faire cadrer le comportement de notre enfant à ce que la société édictait comme normal ! Non, nous cherchions à savoir où était notre fils, et comment parvenir à l’aider à être… sans douleur… parmi nous.

      Alors j’ai pris la décision de m’occuper moi-même de Théo.

      Mon fils qui, jour après jours, s’isolait de notre monde, se murant dans ses ronronnements et ses balancements. Je ne pouvais plus le regarder s’éloigner de nous ainsi sans tenter d’aller à sa rencontre.

      J’ai passé mes jours et mes nuits avec lui, tentant de comprendre où il était, ce qu’il essayait de dire par ses cris ou ses silences.

      J’essayais de renouer le contact physique en lui massant les pieds, la seule partie de son corps qu’il acceptait de me confier.

      Chaque soir, durant de longues minutes silencieuses, je lui massais la plante des pieds, instant fragile et merveilleux. Je pouvais enfin toucher mon enfant.

      Ça l’a calmé, jusqu’à l’endormir.

      Petit à petit, semaine après semaine, mois après mois, j’ai eu le droit de remonter le long de son corps, ses jambes, son ventre, ses bras, jusqu’à son visage parfois. Des séances de massages salvatrices pour lui comme pour moi. Nous avons réappris à nous connaître. Lui l’enfant, moi sa mère.

      Des moments de solitude à deux, comme une respiration hors de ce monde bruyant qui semblait tant effrayer Théo et qui a moi demandait des comptes que je ne pouvais lui rendre.

      Un an après notre demande, le CRA nous a enfin reçu pour entamer un diagnostic.

      Une année de calvaire, pour Théo comme pour nous.

      Les méthodes employées étaient comportementales, très agressives. Théo était au pire de son état.

      Alors qu’il a subi toute une batterie de tests tant psychologiques que physiologiques, le diagnostic n’a pas été validé car nous avons refusé pour lui une prise en charge comportementale.

      Ce qu’on nous proposait étant à l’opposé de ce que nous avions mis en place avec lui !

      On m’a déconseillé l’empathie, on m’a déconseillé de le laissé s’exprimer et de se calmer par le biais de ses intérêts restreints.

      On m’a dit qu’il fallait lui supprimer ce qu’il aimait pour le transformer en récompenses et le punir lorsqu’il faisait mal. Que je devais axer mon éducation sur son comportement et non sur sa personnalité.

      On m’a dit de mettre un terme systématique à tous comportements que je trouvais inadapté.

      On m’a dit qu’il était une page blanche que je devais réécrire !

      On m’a dit de détourner la tête lorsqu’il s’automutilait, qu’il s’arrêterait s’il voyait que je ne réagissais pas.

      On m’a dit que si je continuais de faire comme je faisais avec lui il finirait par se suicider !

      On m’a dit tant et tant.

      Mais au fond de moi je ne les croyais pas.

      Je savais que mon fils n’était pas réduit à la somme de ses comportements !

      Je savais qu’il était une personne à part entière, riche de tant de promesses ! Il fallait juste lui laisser du temps. Il fallait lui laisser SON temps.

      Je savais que mon enfant allait de mieux en mieux, à son rythme.

      Moi ce que je voulais, c’était juste l’aider à être. Je voulais juste l’aider à devenir, et non pas briser sa particularité.

      Dénué des mots qu’il avait complètement oubliés, ses comportements restaient alors son seul moyen de communication. Si je transformais ses comportements en ce que la société définissait comme acceptable, alors je bâillonnais mon fils à tout jamais. Il n’en était pas question.

      Alors nous avons continué... seuls.

      Lorsque Théo a perdu le langage puis « le jeu » je me suis demandé comment il allait pouvoir se représenter le monde dans lequel il vivait. Sans aucune communication, pas plus orale que gestuelle, il était difficile de s’imaginer ce qu’il ressentait.

      Pourtant, à bien le regarder, il n’était en vérité jamais inactif, jamais immobile.

      Soit gesticulant les mains dans les raies de lumières, soit suivant la courbe d’une rampe d’escalier avec un doigt, soit faisant tourner entre-elles la salière et la poivrière, à l’écoute certainement du cliquetis que cela produisait et tant de petits gestes quotidiens… Finalement, très attentif au monde qui l’entourait.

      Et surtout, ce que nous avons appelé « les tripotages et les vocalises » … C’est-à-dire se saisir de tout ce qu’on lui proposait et le faire rouler entre ses doigts, entre ses mains, comme on le ferait avec du sable ou de l’eau, en produisant des bruits de gorge qui semblaient plus destinés à être ressentis qu’écoutés.

      Durant de longs mois, ce fut la seule activité de Théo. Quoi qu’on lui propose, quoi qu’on lui suggère, quoi qu’on lui montre. Il détournait et tripotait.

      Malgré le trouble que cela produisait en moi, je ne l’ai jamais arrêté, car j’avais le sentiment que cela l’apaisait, le « regroupait » … Comme s’il délimitait ainsi un cadre rassurant, peut-être même les limites de son propre corps.

      Lorsqu’il laissait tomber ce qu’il avait entre les mains il hurlait immédiatement, si fort ! Comme si une partie de lui venait de lui échapper.

      Je lui redonnais et sans un mot, sans un regard, sans une attente quelconque, il reprenait son tripotage et ses vocalises. Calme à nouveau. En paix.

      Un jour, afin de lui proposer un autre genre d’activité, j’ai eu l’idée de lui offrir un petit chariot à pousser. Il s’en est saisi immédiatement et s’est mis à le pousser à travers la maison, puis dans le quartier, puis partout où nous allions avec ce chariot, qu’il n’était pas imaginable de ne pas l’emmener avec nous.

      Plus rien d’autre n’existait. Du lever au coucher, des heures durant, il poussait ce chariot.

      Il fallait faire place nette devant lui car sinon c’était des hurlements, des coups, une violence immédiate et sans appel.

      On dégageait le chemin et aussitôt il se calmait et reprenait sa route.

      Nous étions désemparés, car autant le tripotage semblait le calmer, autant pousser ce chariot l’énervait et provoquait de terribles colères car il ne maîtrisait pas assez bien la trajectoire.

      Nous avons tenté de cacher le chariot, de ne pas l’emmener systématiquement avec nous, alors il poussait tout ce qu’il pouvait, les chaises, les sacs, les chariots dans les magasins, les poussettes des mamans que nous croisions.

      Pour l’aider à se dessaisir de cette habitude qui l’envahissait et qui semblait lui faire plus de mal que de bien, nous lui avons trouvé un petit vélo à sa taille, mais il ne voulait pas monter dessus et se débattait comme un diable pour en redescendre et le pousser devant lui en s’accrochant à la selle. Cela a duré plus d’un an. Nous pensions ne jamais en voir le bout.

      J’ai à plusieurs reprises tenté de pousser avec lui pour transformer cette obsession en jeu, mais soit il me repoussait, soit il m’ignorait.

      Pousser n’était pas un jeu pas plus qu’une option. Pousser était vital, nécessaire, impératif.

      Et puis un jour nous lui avons acheté une télé et un magnétoscope et lui avons fait découvrir les dessins-animés.

      Le chariot fut oublié presqu’aussitôt.

      Debout devant le poste, Théo regardait les dessins-animés que nous choisissions pour lui.

      Il était calme, silencieux. Il était sans expression.

      Si nous éteignions le poste, il se mettait immédiatement à hurler, à pleurer, à se griffer.

      Il suffisait de rallumer la télé et les cris s’arrêtaient immédiatement, sans un regard pour nous, sans un mot.

      Nous restions derrière lui, guettant une réaction, quelque chose qui nous indiquerait s’il comprenait ce qu’il voyait, si cela s’inscrivait dans son monde d’une quelconque manière.

      Mais nous n’avons rien su déceler.

      Son petit visage était détendu, sa bouche ouverte, ses mains accrochées l’une à l’autre derrière son dos, comme à son habitude, ou posées sur ses genoux quand, fatigué, il avait investi le canapé.

      Quels que soient les dessins-animés proposés, l’attitude était la même.

      Nous espérions que malgré tout il apprenait à travers les histoires colorées que nous choisissions pour lui avec soin.

      Le langage, la gestuelle, l’interaction. Il y avait forcément là quelque chose qui pouvait le mélanger à la vie qu’il semblait vouloir mettre de côté !

      Et puis un jour nous lui avons proposé l’histoire de « Kirikou et la sorcière » et quelque chose s’est passé en lui. Son regard a changé, un sourire s’est dessiné. Son corps a réagi.

      Il s’est mis à courir dans sa chambre, à imiter les bruits, les mots. Il s’est mis à rire, à sauter, à danser. Et surtout, il nous a redemandé de passer la K7 une fois celle-ci terminée.

      Il n’a pas hurlé, n’a pas pleuré.

      Il nous a apporté le boitier de la K7 et la mise dans nos mains.

      Nous lui avons demandé s’il voulait le revoir, alors il est allé devant le poste.

      Oui, il voulait. Voilà ce qu’il voulait nous dire. A nous.

      Il l’a regardé 2 fois de suite, 3 fois, je ne sais combien de fois en vérité, et à chaque fois il souriait, sautillait.

      Nous venions régulièrement regarder Kirikou avec lui, tellement heureux de retrouver notre petit Théo !

      Au bout de quelques semaines, il a accepté de visionner d’autres films. Nous étions curieux de savoir quelle serait son attitude.

      La magie a continué. Alors qu’il regardait des films qui jusqu’alors l’avaient laissé inexpressif, voilà que, comme devant Kirikou, il sautait, dansait, imitait les bruits et les mots.

      A l’inverse même, il devenait de plus en plus excité, et de nouveau nous avons été inquiets.

      Était-ce une bonne chose ? Est-ce que ce n’était pas trop ? D’autant que cela pouvait durer des heures.

      C’est l’une de nos filles qui a découvert qu’en vérité il mimait les films… A l’avance !

      En effet, il tournait sur place puis regardait le petit Némo tourner sur lui-même. Il sautait trois fois et regardait la petite fille de monstre et Cie sauter sur place etc…

      Comprenait-il ? Ces personnages avaient-ils une réalité pour lui ? Comment s’organisait sa mémoire ?

      Des heures et des heures devant le poste, dans ce qui nous apparaissait être une terrible solitude, Théo écoutait parler des personnages qui semblaient avoir pour lui plus de réalité que nous-même. C’était là en vérité une terrible leçon d’humilité mais avant tout une grande bouffée d’espoir.

      Au début, les sons que Théo émettait n’étaient que des borborygmes. Rien de reconnaissable. Mais petit à petit, nous avons su reconnaitre certaines sonorités qui se répétaient.

      Wayé, waya, hayé, méya, popo… Des sons qu’il a tout d’abord réservé à Kirikou, ensuite aux autres personnages des dessins-animés… Puis à nous et nous n’en revenions pas.

      Comme en pays étranger, apprenant une nouvelle langue, nous avons appris à écouter et à traduire le langage de Théo. Ce langage qu’il nous a offert, comme une passerelle pour relier son monde au nôtre.

      Ab !! Fut le premier que nous avons traduit, car il aimait les arbres depuis toujours, ne pouvant s’empêcher de les toucher au plus près, se collant au tronc, frottant sa joue contre l’écorce…

      Ab pour Arbre.

      Puis « wayé » pour lumière et « waya » pour chaussure. « Agla » pour son frère Harold et « Popo » pour dire Maman, « piyoyo » pour poisson rouge, « Aya » pour chien et « T’aide » pour demander de l’aide etc…

      Des mots dont l’intonation semblait autant compter que la prononciation.

      Des mots qui parfois ressemblaient aux originaux, et d’autres qui n’avaient aucune consonance commune.

      Mais des mots. Des mots pour nous dire.

      Voilà enfin ce que nous attendions avec tant d’impatience ! Le signe que Théo était bien dans le monde avec nous. Bien attentif à ce qui l’entourait ! Qu’il était en mesure d’interagir, de partager, de communiquer et qu’il était disposé à le faire.

      A partir de là tout a été possible !

      Les journées devenaient incroyablement vivantes ! Entre les dessins-animés que nous connaissions par cœur et qui souvent étaient la clé qui permettait de décoder soit un mot soit une attitude, les imitations de ces dessins-animés que nous nous amusions à sur-jouer avec ses frères et sœurs, jusqu’à connaître par cœur l’intégralité de Kirikou et la sorcière et de quelques-autres.

      Théo était enfin parmi nous, il pouvait comprendre et s’intéresser à ce que nous disions !

      Avec le langage, Théo était moins tyrannique, plus souple, même si souvent l’angoisse le prenait dès que quelque chose n’allait pas comme il voulait. Mais même à travers ses cris nous pouvions l’atteindre et lui poser la question : « Est-ce cela que tu veux Théo » ?

      Alors il se calmait et ça valait pour un oui.

      Quel bond en avant ! Quelles promesses d’avenir !

      C’est à peu près à cette époque que nous avons lui avons déniché un petit jeu électronique pour apprendre l’alphabet. Rien de bien sophistiqué, juste quelques propositions de mots en regard d’une lettre et des questions simples et répétitives : « Quel mot commence par d… Par quelle lettre commence le mot jupe… Quelle lettre avant g ou après t » … Etc.

      Théo a joué des mois durant avec ce jeu qu’il pouvait emmener partout avec lui et qui avait la particularité de le rendre heureux. Peut-être était-ce la voix féminine qui l’apaisait ainsi et aussi le fait que de par sa très grande mémoire il a su très vite ne jamais se tromper.

      N’empêche que grâce à ce jouet nous avons pu aborder sereinement l’alphabet et le tout début de la lecture.

      Ensuite Théo a découvert l’ordinateur. Il a investi les techniques du clavier et de la souris en quelques jours à peine ! Jouant à des jeux de plus en plus complexes.

      Comme pour le reste, l’ordinateur est vite devenu obsessionnel. Du lever au coucher il voulait jouer, regarder, ouvrir, fermer, manipuler.

      Là encore, que fallait-il faire ! Le laisser devant l’ordinateur 4 ou 5 heures d’affilées ?

      Jamais nous n’aurions laissé nos autres enfants aussi longtemps devant un écran Mais bien sûr, Théo n’était pas comme nos autres enfants.

      Difficile de trancher, car il semblait tant apprendre et de manière si calme.

      Autant il pouvait être violent avec nous, autant l’ordinateur avait un effet apaisant sur lui.

      Finalement, la décision s’est prise d’elle-même. Il n’était pas question de lui ôter cette possibilité d’apprendre, de recevoir, de donner, de s’exprimer.

      Nous lui avons donc installé un ordinateur personnel avec tous ses jeux et un accès internet pour en installer d’autres et jouer sur des sites pour enfants.

      Un jour nous l’avons vu installer un jeu tout seul ! Il est allé ensuite chercher l’application dans un dossier dont on ne savait même pas qu’il connaissait l’existence et s’est mis à jouer ! Nous n’en revenions pas.

      Nous avons alors réalisé qu’il regardait attentivement tout ce que nous faisions. Il retenait chacune de nos manipulations et les reproduisait. Sa mémoire phénoménale enregistrait les actions et les conséquences.

      Comment rangeait-il cela dans sa mémoire si elle était dénuée de mots ?

      Est-ce que cela voulait dire que Théo se parlait à lui-même ?

      Nous lui avons également installé des jeux de voitures et de motos auxquels il a excellé très vite, ce qui a permis de nous joindre à lui pour des courses à deux.

      C’était en vérité la première fois que nous pouvions jouer avec lui, que notre action s’imbriquait dans la sienne ! C’était la première fois qu’il nous permettait d’interagir.

      Comme il n’aimait pas perdre, il s’améliorait, se concentrait, trouvait des ruses, des contournements. Il apprenait et prenait plaisir à cela.

      Il riait beaucoup devant son ordinateur.

      Il riait non pas dans son monde, mais de ce qui se passait avec nous. Il riait enfin avec nous.

      Nous avons trouvé un site pour enfants où il y avait une multitude d’activités proposées. Des jeux auxquels il avait toujours refusé de jouer, mais qui, proposés par l’intermédiaire de l’écran le séduisaient enfin.

      Puzzles, comptines, mémos, labyrinthes etc…

      Et puis un jour il est venu me demander de l’aide.

      Il était face à un jeu de l’oie et ne comprenait pas ce qu’on attendait de lui.

      Jusqu’alors, face à l’échec il s’énervait et attendait de nous que nous comprenions de nous-même et l’aidions à réussir. Mais ce jour-ci, il a su rester calme et me faire comprendre ce qu’il attendait de moi. C’était en vérité un pas de géant qu’il venait de franchir.

      Tout est allé très vite à partir de là. Il demandait, je répondais, il agissait, progressait, allait chercher ailleurs redemandait de l’aide…

      Il a appris les lettres, les chiffres, les couleurs. Acceptant l’inconnu qui jusqu’alors l’avait tant effrayé.

      Je le revois, tout petit bonhomme sur ce siège rehaussé, face à cet écran immense. Rattrapant la vie qu’il avait jusqu’alors délaissée !

      Parallèlement il regardait toujours ses dessins-animés, il en avait plus de cent à sa disposition et les connaissait tous par cœur.

      Parfois nous le surprenions à mimer un dessins-animés alors que la télé était éteinte. Il les connaissait tellement bien qu’il n’avait même plus besoin de les regarder.

      Il prenait des objets, peu importe lesquels, une gomme, un dé, un briquet… Et ils devenaient les personnages de l’histoire qu’il racontait avec ses mots à lui.

      Il nous demandait parfois de venir jouer avec lui, mais nous ne pouvions être des acteurs.

      Nous étions comme des objets supplémentaires, des pantins qu’il actionnait. Il ne fallait pas nous tromper, c’était insupportable pour lui.

      Il n’avait cure que ces manipulations ressemblent à la réalité. Je suppose que dans sa tête tout était parfaitement réel et crédible.

      Malgré tout, Théo restait dans un monde solitaire, restreint et terriblement codifié qu’il voulait garder sous contrôle.

      Mais nous avons joué le jeu du mieux possible, emplis d’espoir devant les progrès accomplis et devant la vie qui semblait dès lors habiter Théo en son entier.

      Nous l’avons donc encouragé à créer ces histoires dans lesquelles nous avons espéré qu’un jour il mette un peu de son propre imaginaire.

      Nous l’avons filmé afin qu’il puisse faire la comparaison avec ses propres dessins-animés et ça lui a tellement plu que nous lui avons offert une petite caméra pour qu’il filme lui-même ses histoires.

      Nouvelle obsession. J’ai dans mon ordinateur des heures et des heures de ces petits films qui n’ont de sens que pour lui. Des heures de ces histoires racontées à travers des actions désordonnées, l’image de mauvaise qualité, la caméra souvent pointée au plafond ou au sol, ou alors, quand il avait un peu de chance, sur les petits objets dans sa main qui prenaient vie et sens pour lui.

      Je n’arrivais pas à lui faire comprendre qu’il fallait qu’il laisse la caméra posée à bonne distance et qu’il joue la scène devant. Ça le rendait furieux, il disait alors qu’il était nul, que jamais il n’y arriverait.

      Alors je l’ai filmé pendant qu’il jouait. Il a tellement adoré ça que nous avons fait une deuxième séance et je lui ai montré qu’on pouvait ensuite faire des montages sur l’ordinateur et rajouter de la musique. C’était merveilleux. Il a regardé ces petites vidéos des dizaines et des dizaines de fois, riant aux mêmes endroits, comme s’il les découvrait à chaque fois.

      Puis enfin, petit à petit, son imaginaire est venu interférer dans les histoires. Assez pauvre, souvent jouant sur les mêmes ressorts, mais tout de même, il acceptait de changer des détails. Ça ne semblait pas l’angoisser comme auparavant.

      Encore un pas de plus.

      Cette à cette époque aussi qu’il a découvert les consoles de jeux.

      Nous avions bien sûr conscience que tout son monde de jeu et d’imaginaire passait par l’intermédiaire d’un écran. Dessins-animés, caméra, ordinateur, consoles de jeu, mais c’était

      Sûrement cela la clé. Le besoin d’un écran entre lui et le monde. Le besoin que ce monde soit encadré, à sa mesure, à l’abri.

      C’était cela qui lui plaisait tant dans le fait d’avoir une caméra. Ce n’était pas tant le résultat final, qu’il ne demandait jamais à regarder d’ailleurs, et c’est pour ça qu’il ne s’améliorait pas. Non, ce qui lui plaisait c’était de pouvoir à tout moment restreindre le monde à la taille de son écran.

      Quoi qu’il en soit, entre ces activités multiples, tous ses mondes se sont rejoint et ont formé un quotidien cohérent qui pouvait dès lors s’améliorer.

      J’ai pu, avec d’infinies précautions, lui apprendre à lire, à écrire. Il s’est intéressé à la géographie, aux étoiles et aux planètes, au monde animal et végétal… Il y avait toujours un jeu qui permettait de faire le lien.

      Cela a pris du temps bien sûr ! Il fallait impérativement le rassurer avant qu’il accepte de s’engager dans l’inconnu, dans la nouveauté.

      Mais sa très grande mémoire l’aidait à se rassurer, à reconnaître les acquis sur lesquels nous pouvions nous retrouver pour avancer. Et de mon côté, je m’appuyais sur ses talents et ses affinités particulières pour faire le lien avec les nouveaux apprentissages.

      Un chemin à deux, fragile certes, mais absolument merveilleux.

      Depuis 2012, c’est le jeu Minecraft qui a pris le relais.

      Un jeu sur ordinateur particulièrement complet qui lui permet de créer des mondes.

      Il créé des espaces, des personnages, des villages. Pour vivre les personnages doivent s’alimenter donc faire des élevages d’animaux et des cultures, ils s’habillent donc prélèvent de la laine et du cuir. Ils doivent se chauffer, fabriquer des armes, des fours, donc se servir de la pierre, fabriquer du métal. Un bel apprentissage de la vie quotidienne.

      Puis il faut décorer, première intervention de l’esthétique dans la vie de Théo ! Il éprouve le besoin d’accorder les couleurs, installer des tableaux, et il a chargé des musiques qu’il choisit en fonction des ambiances qu’il souhaite créer dans ses jeux.

      Des heures là encore, parfois des week-ends entiers où il préfère rester dans sa chambre plutôt que de venir à la plage avec son chien et moi.

      Pas un jour sans qu’il n’en parle, pas une conversation sans que Minecraft soit cité.

      Mais là encore, il apprend !

      Il apprend à installer des mods, (des espaces, des décors, des possibilités plus complexes). Pour se faire il va sur des forums et écoute les conseils puis les reproduit.

      Il écrit des histoires, fabrique des énigmes. C’est un monde d’une richesse inouïe. Il m’en parle beaucoup, trouve les mots qu’il faut pour me faire comprendre les différentes expressions liées au jeu. Il a appris des termes anglais qui souvent sont utilisés sur le Net.

      Et pour couronner le tout il a écrit une histoire personnelle de plusieurs pages. Très inspirée par ces jeux, elle n’en n’est pas moins issue de son imagination. Il l’a menée d’un bout à l’autre, attentif à la tournure des phrases et à l’orthographe.

      Il m’a demandé de l’imprimer et a fait des dessins pour l’illustrer, lui qui n’aime pas tenir un crayon.

      Pour Théo, l’ordinateur est un interlocuteur réel. Une porte sur le monde extérieur.

      Il écoute les « youtubeurs » d’écrire leurs jeux de manière très vivante durant des heures.

      Depuis, il parle beaucoup lorsqu’il joue, comme si l’ordinateur le mettait en contact avec les autres. Il décrit ce qu’il fait et ce qu’il ressent afin de le partager. Pour ce faire il doit tenir compte de ce qui pourra être perçu par les autres.

      Lorsqu’il est confus, il se corrige, explique pourquoi il s’est trompé et pourquoi tel mot est plus valable qu’un autre.

      Il n’est finalement jamais seul et adapte sa façon d’être et de dire à ce public imaginaire auquel il s’adresse.

      Ce n’est pas de la schizophrénie ! C’est la continuité de ce qu’il a appris et partagé sur le net depuis toutes ces années.

      D’ailleurs, il est très sélectif. Un youtubeur qui dirait trop de gros mots ou qui ne respecterait pas les choses qui comptent pour Théo et il est immédiatement éjecté.

      Et depuis l’hiver 2014, je lui ai enfin permis de jouer en multijoueur, c’est-à-dire de se connecter et de partager sur le Net.

      J’avais bien sûr quelques appréhensions à le laisser ainsi partir à la rencontre de l’inconnu, mais pouvais-je plus longtemps réfréné sont envie de partager ?

      J’ai vu Théo évoluer très nettement depuis qu’il « partage » sur le Net. Il est plus à l’aise avec les autres, comprend mieux les sous-entendus, les seconds degrés et l’humour. Il est plus à l’aise également avec les expressions qui avant cela le perturbaient terriblement.

      Il est aussi beaucoup plus souple, plus ouvert et plus attentif à ce qu’on lui dit.

      L’intérêt de ce mode de communication est qu’il libère Théo de sa difficulté à déchiffrer le langage gestuel et facial. Concentré sur les mots, il est plus à l’aise, il se sent plus à « égalité ».

      Il n’y a pas non plus de bruit extérieur, pas d’odeurs dérangeante, et il peut à tout moment se déconnecter s’il se sent angoissé.

      Pour autant, je commençais à m’inquiéter.

      La vie de Théo devait-elle se restreindre à se passer derrière un écran ?

      Je voyais son corps grandir, et je désespérais certains week-ends de beau temps de le voir rester enfermé dans sa chambre, avec pour seule compagnie les voix de ses amis virtuels et pour seul centre d’intérêt des jeux sur ordinateurs, aussi intéressants et complexes fussent-ils.

      Et puis toujours ces mêmes questions : Est-ce que c’est pour lui ? ou pour moi que je désire l’extraire de cet écran ? Est-ce réellement important ? Ou ce n’est que la pression sociale qui me fait craindre pour sa santé physique et mentale.

      Et puis, comme souvent, tout est venu de lui.

      L’été de ses 10 ans, lors d’une visite au seaquarium du Grau du Roi, Théo, en admiration devant l’immense aquarium des tortues marines a dit dans un souffle qui ne m’était pas particulièrement adressé :

      « Je voudrais tant nager avec les tortues ! Je voudrais nager au milieu des coraux » …

      Ce vœu exprimé de cette manière m’est entré au fond du cœur.

      Jusqu’alors, Théo avait si peu exprimé de désirs ! Quelques rares envies, mais plus terre à terre, moins passionnées.

      J’ai regardé les tortues évoluant dans l’eau avec une majesté incroyable et j’ai repensé à ces quelques jours auparavant où Théo et moi jouions dans la piscine de notre résidence.

      Sans que je m’y attende, il était venu se blottir dans mes bras… pour la toute première fois.

      Mon fils contre moi, ses bras autour de mon cou, ses jambes enroulées autour de mon ventre…

      L’eau entre nous, discrète et protectrice, l’eau qui au lieu de nous séparer nous rapprochait.

      L’eau encore et toujours, celle dans laquelle il s’était toujours senti si bien, celle qui, fraîche soignait ses bobos, et chaude, calmait ses angoisses et l’encourageait à nous parler.

      L’eau bien sûr.

      Alors je me suis tourné vers lui et je lui ai dit que ce rêve était à notre portée et que nous allions le réaliser.

      Théo ne m’a pas répondu. M’a-t-il entendue ? m’a-t-il crue ? J’aime à croire qu’il m’a juste fait confiance. Maman a dit, maman fera… car il sait que je tiens toujours mes promesses.

      Je l’ai donc inscrit à un cours privé de natation et j’ai trouvé, pas trop loin de chez nous, un club de plongée spécialisé en handicap.

      Un club associatif absolument merveilleux qui a su respecter les particularités de Théo… mieux même, qui a su en faire un atout plutôt qu’un handicap.

      En un rien de temps Théo a appris les bases de la plongée avec bouteilles.

      En piscine tout d’abord puis en mer, très rapidement.

      De l’avis de ses moniteurs, ils ont rarement vu quelqu’un être aussi vite à l’aise en plongée.

      Dès son baptême en mer, Théo a su se libérer des contraintes techniques pour être tout à son bonheur.

      Au début, j’ai eu du mal à cerner si oui ou non il était vraiment heureux de plonger.

      Même si à chaque fin de séance il avait le sourire et qu’il me disait avoir été heureux, il ne m’en parlait plus ensuite, jusqu’à la plongée suivante.

      Il n’en parlait pas autour de lui, et encore moins à ses copains du Net.

      Les premières sorties en bateaux faisaient apparaître de façon surlignée sa différence tant son calme et son silence contrastait avec le rire et la bonne humeur des autres participants.

      Il restait dans son coin, regardant la mer, ne partageant ni son impatience, ni son excitation.

      Je l’appareillais, il plongeait, remontait… et reprenait sa posture solitaire.

      Et puis au fil des plongées sont sourire est apparu, sa bonne humeur a percé dans son regard, dans sa voix. Il s’est mis à aller à la rencontre des autres, à raconter ce qu’il avait vu dans l’eau, les sensations qu’il avait éprouvées. Il a posé des questions, a émis des souhaits particuliers.

      En juillet 2016, une équipe de télévision est venu filmer Théo durant ses plongées pour un reportage sur TF1.

      Après 3 jours assez éprouvants où Théo était resté sur sa réserve, plus silencieux que jamais, et même assez dur avec moi, il s’est finalement détendu et, pour la première fois, devant la caméra il a parlé de sa joie de voir se réaliser son rêve. De son bonheur d’être au fond de l’eau et des sensations que cela provoquait en lui.

      Il a dit que ce n’était pas nager qui l’intéressait, mais aller au fond, découvrir les sensations de la profondeur, le fait que ce soit silencieux et bien sûr, aller à la rencontre des animaux qu’il aime tant.

      En quelques semaines à peine, Théo a relâché une tortue de mer, il a exploré des grottes sous-marines, il est allé à la rencontre des épaves échouées près des côtes sétoises…

      Son nouvel objectif ?

      Nager avec les requins.

      Alors bien sûr, j’ai dit oui.

      Je repense à Théo il y a des années, immobile devant la télé, son regard qui ne nous disait rien, devant des dessins-animés dont il ne pouvait comprendre le sens. Et je sais que tout a commencé là, dans ce temps que nous lui avons laissé pour se faire une idée du monde et lui donner l’envie de le rejoindre quand il a été temps.

      Je sais que d’une certaine manière, le petit Kirikou lui a tendu la main à travers l’écran et lui a dit : « viens, tu verras, il y a une place pour toi ».

      Alors mon fils, courageux, a décidé de le rejoindre.

      Valérie Gay

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      Pierre Dardot, Philosophe

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      Une nouvelle anti-psychiatrie

      Une nouvelle « antipsychiatrie »

      Il est d’anciens et respectables vocables que l’état actuel de la langue, lequel n’est pas sans rapport avec la promotion de certaines pratiques sociales, nous impose de réexaminer à nouveaux frais. C’est en particulier le cas d’une expression qui a pris dans les années 1960-70 le sens d’une contestation politique radicale de la psychiatrie comme type de savoir et comme type de pouvoir. Je veux parler bien entendu de ce qui s’est alors appelé « antipsychiatrie ».

      L’antipsychiatrie désaliéniste

      Il convient de bien entendre ce mot en prenant au sérieux le préfixe « anti » qui préside à sa formation. Car ce préfixe permet de récuser toute forme de symétrie entre la psychiatrie et l’antipsychiatrie : l’antipsychiatrie, du moins à ne considérer que son projet initial, n’est pas une autre psychiatrie ou une psychiatrie alternative relativement à la psychiatrie dominante, elle n’ambitionne pas de refonder doctrinalement la psychiatrie en opposant à la doctrine positive qui en soutient l’existence une autre doctrine fondant d’autres pratiques, elle est en son principe même opposée à la psychiatrie. Historiquement la psychiatrie se constitue comme une spécialité médicale : « iatros » signifie en grec médecin et, en ce sens, la psychiatrie est une sorte de médecine. Mais de quelle sorte de médecine s’agit-il ? Qu’est-ce qui fait sa spécificité ? La seconde racine, « psuchè », nous l’apprend : « psych-iatrie » désigne proprement une médecine de l’âme et « psychiatre » un médecin de l’âme, c’est-à-dire un médecin qui soigne les troubles de l’âme ou les maladies de l’âme. On le sait, avant l’apparition au XIXe siècle du terme de « psychiatrie », le médecin qui traitait les fous s’appelait aliéniste ou tout simplement médecin. Que conteste au juste l’antipsychiatrie dans la psychiatrie au point de contester la psychiatrie elle-même? En tant que spécialité médicale la psychiatrie se fait une obligation de soigner les maladies de l’âme. Mais elle légitime cette obligation de soins par un savoir de type médical, qui, en tant même que médical, est un savoir objectivant. La norme de la santé physique y est en quelque sorte plaquée sur la santé psychique de sorte que le discours que le malade tient sur lui-même est nécessairement écarté comme non pertinent. L’antipsychiatrie conteste précisément l’obligation de soins en dénonçant la violence par laquelle la psychiatrie se fait instrument de répression sociale et auxiliaire de la police. Pour reprendre le mot de Maud Mannoni, elle a choisi de « défendre le fou contre la société ». Elle est en ce sens résolument « désaliéniste ».

      L’antipsychiatrie mentaliste

      Ce qui émerge aujourd’hui c’est une « antipsychiatrie » très différente. La première antipsychiatrie prenait pour cible le caractère médical du savoir psychiatrique (le « iatros » de psychiatrie). Elle n’entendait nullement remettre en cause l’existence de la psuchè. Elle accusait la psychiatrie d’appliquer à la folie les normes objectivantes propres au savoir médical, ce qui revenait à s’interdire d’écouter le discours du fou sur lui-même, manière de reconnaître que c’était précisément ce discours qui faisait objection au savoir médical. Mais affirmer la primauté de ce discours relativement au savoir de type médical, ce n’est pas nécessairement nier la dimension proprement psychique de la folie, c’est affirmer son potentiel critique à l’égard des normes sociales établies.

      Qu’en est-il aujourd’hui ? Le cas de l’autisme agit à cet égard comme un révélateur. Tout un discours est construit à partir du postulat d’un lien « naturel » entre une théorie, celle de la génétique, et une pratique, celle de la « remédiation cognitive ». Cette dernière consiste en une évaluation des capacités cognitives (mémoire, repérage spatial, intelligence, etc.) suivi d’un entraînement à des tâches dont l’objectif est de renforcer les capacités ou compétences tenues pour des « atouts ». Dans ce dispositif c’est le neuropsychologue, non le pédopsychiatre, qui occupe la place privilégiée : c’est à lui qu’il revient d’étudier les aires du cerveau où sont localisées les fonctions cognitives préalablement à la mise en œuvre d’un programme de « rééducation cognitive ».

      Sur ce fond partagé de cognitivisme, des divergences peuvent assurément se faire jour. Ainsi le psychiatre canadien Laurent Mottron s’oppose-t-il aux méthodes de dressage du comportementalisme pur et dur au nom d’un cognitivisme anti-comportementaliste. Fort habilement son discours métamorphose l’autisme en une « manière de vivre » propre à une minorité qui ne serait pas reconnue dans ses droits. Il faut prendre en compte la force de séduction de ce discours qui est parvenu à abuser des gens qui ont été engagés dans les combats de l’ancienne antipsychiatrie. Mais il ne faut pas s’y tromper. Au-delà de ces dissonances internes au cognitivisme, il est généralement entendu par tous ses partisans que l’autisme n’a rien à voir avec la psuchè : réduit à un « trouble neurodéveloppemental d’origine génétique » il relève exclusivement de la neuropsychologie ou de la neuropédiatrie, à la rigueur de la médecine générale, en aucun cas de la psychiatrie.

      Le plus grave est que cela entraîne l’absence de prise en compte de la crise d’angoisse vécue par l’enfant : cette dernière est décrite comme un « comportement problème » plutôt que comme une souffrance psychique à part entière. Plus généralement, se développe une valorisation du regard médical objectivant sous la forme d’un diagnostic scientifique à base de tests, au point que certains n’hésitent pas à faire de l’énoncé du diagnostic le moment d’une nouvelle « naissance » où l’autiste accède enfin à son identité. A cet amour immodéré du diagnostic rendu par la médecine scientifique correspond une haine du soin psychique qui va jusqu’au déni du psychique comme tel.

      Le retournement est donc saisissant. L’ancienne antipsychiatrie dénonçait la psychiatrie comme instrument de répression sociale en raison de son caractère médical (le iatros de psychiatrie). La nouvelle antipsychiatrie s’en prend à l’existence même du psychique (la psuchè de psychiatrie) au nom même des prétentions de la médecine scientifique. L’ancienne antipsychiatrie entendait contester le savoir médical. La nouvelle antipsychiatrie entend le réinstaller en position de maîtrise. Au « psychique » elle substitue volontiers le « mental » qui présente l’avantage d’autoriser le glissement du mental au neuronal. Ce qu’elle ne supporte pas, c’est que le psychique déjoue radicalement, par son caractère inconscient, tout projet de maîtrise. Castoriadis insiste fortement sur cette dimension de l’inconscient qu’il appelle l’« imagination radicale ». Rappelant que chez Aristote la psuchè s’attribue au vivant, et donc aussi bien aux plantes et aux animaux qu’aux dieux, il considère que ce qui caractérise proprement le psychique humain c’est l’autonomisation de l’imagination : celle-ci un flux illimité et immaîtrisable qui ne se réduit aucunement à une séquence d’images dont chacune correspondrait à une réalité extérieure qu’elle représenterait. C’est précisément ce que la nouvelle antipsychiatrie entend dénier. Avec elle nous avons affaire, à la lettre, à une véritable « psychophobie » qui procède d’un véritable fanatisme de l’objectivation.

      Pierre Dardot

  • Les machines à effacer l’Enfance (II)

    Table ronde animée par Cécile Bourdais

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      L'enfant constructeur d'espace

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      Aurélien Vernant, historien d'art

      L’enfant et la ville fonctionnaliste :
      le jeu comme espace de résistance ?

      Aurélien Vernant

      La ville contemporaine est marquée par la multiplication exponentielle de « systèmes normatifs » qui organisent et réglementent l’expérience spatiale au quotidien. Pour le géographe Michel Lussault, ces « dispositifs de géopouvoirs » (opérés par les décideurs politiques et aménageurs) assignent l’activité humaine à des modes de spatialisation limitant notre liberté d’expérience et d’appropriation des territoires.

      On peut s’interroger sur l’impact de cette « géographie des normes » sur le développement des enfants. La ville est confrontée en effet dans son développement à un phénomène de saturation du territoire, par des « plans d’aménagements » qui tendent à faire disparaître la vacance, la friche, le terrain vague, toutes ces formes urbaines non affectées, donc potentielles, qui constituent en ce sens des royaumes privilégiés de l’enfance.

      L’histoire culturelle de la modernité est traversée par cette tension permanente entre un urbanisme uniforme, linéaire, soumis aux exigences de la rentabilité économique, et les territoires discontinus et mouvants de l’enfance, situés à mi-chemin entre l’imaginaire et le réel. Si les œuvres littéraires et cinématographiques du XXe siècle ont souvent mis en scène avec nostalgie la rue et les « lieux ouverts » de la cité comme terrains d’aventure, l’enfant devient dans l’après-guerre l’emblème d’une revendication sociale et « antifonctionnaliste » dans la fabrique de l’urbain. Indice d’une dimension proprement sensitive et humaine, l’enfant va servir d’indicateur d’échelle à certains architectes engagés dans une redéfinition de la société, fondée sur des valeurs de mobilité, de communication et d’émancipation par les loisirs. Pour les architectes du groupe Team X, tels Alison et Peter Smithson ou Aldo Van Eyck, « la ville toute entière doit être une aire de jeu » où l’homme pourra développer sa créativité et s’épanouir en tant qu’Homo Ludens (J. Huizinga).
      En France, le Group Ludic expérimente à partir des années 1960 des terrains de jeux en rupture avec les typologies standardisées de la ville moderniste (tourniquet, toboggans, balançoires). Fondées sur une analyse de la psychologie infantile et des pédagogies alternatives, leurs « structures de jeu » sont autant d’« environnements » offrant une exceptionnelle variété de parcours et d’appropriations.
      À Naples, Riccardo Dalisi développera avec les enfants des rues des ateliers de création collective, activant une « architecture de l’imprévisible » et du « désordre créatif » ancrée dans le vécu (1970-1974).

      Ces projets historiques déploient des formes radicales et une part de risque qui sembleraient aujourd’hui impossibles compte tenu des réglementations toujours plus drastiques dans l’espace public. Par leur pouvoir d’invention, ces projets ludiques pourront inspirer l’architecte contemporain dans son interprétation des normes et dans sa quête d’expérimentations s’il veut demeurer, à l’image de l’enfant, un « faiseur de mondes » (Th. Paquot).
      Aurélien Vernant

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      Comédiens

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      Comédiens

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      La notion de « Handicap »

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      Carlos Parada

      « Crétin, crétin, imbécile, débile, idiote, complétement demeuré, retardé, t’es fou, et toi t’es démente, toi t’es complétement schyzo, t’es givrée, parano, gogole, triso, obsédée, tarée, pervers, complétement névrosée, et toi stressé, psychopathe, maso, stupide, merci… »

      Bon voilà des mots qui ont émigré de la médecine au langage courant et du langage courant à la médecine. Ca arrive bien souvent, actuellement « autiste » devient une insulte dans les cours d’école et pas que dans les cours d’école. Et les transferts de mots d’un domaine à un autre servent en général à exprimer quelque chose autrement ou à dire ce que le langage ne pouvait pas dire avant.

      En linguistique on a appelé ça une catachrèse. Une catachrèse c’est comme cet objet qu’on appelle une clef USB. Quand on a inventé cet objet on avait pas un mot pour le dire. On a associé le mot clef, mais ça n’est pas une clef. Ce qui tient les tables pour qu’elles ne tombent pas on appelle ça « pieds de table » mais il n’y a pas de pieds. Donc ce sont des mots qui viennent de l’anatomie, qui viennent d’ailleurs, les dents de scie, ou ces machins qui partent des avions – j’entendais l’autre jour Gory en parler- on a appelé ça « aile d’avion » mais on ne voit plus la métaphore, on n’entend plus l’importation du mot derrière, l’avion n’a pas d’ailes, ce n’est pas un oiseau, les métros n’ont pas de bouche et les affiches n’ont pas de tête.

      En ergonomie on appelle un usage catachrétique dans la science des objets quand quelqu’un, par exemple, utilise un tournevis comme un marteau, c’est une catachrèse aussi du geste comme quand on prend un couteau comme un tournevis.

      Ce que je voulais vous proposer aujourd’hui, c’est de dire que handicap, handicapé est aujourd’hui une catachrèse.

      C’est un mot transposé qui vient d’ailleurs et qui prend aujourd’hui le domaine du soin.

      Handicap, handicapé sont des mots qui ont une problématique à usage social voire politique absolument légitime, transposés au domaine du soin psychique. C’est ça que j’ai appelé l’extension du domaine du handicap. Ce terme s’applique et remplace désormais ce qui était nommé autrefois, peut-être pas toujours heureusement, comme folie ou quand on parlait de retard mental, déficience, névrose, autisme, inadaptation, quand on parlait de soin, de psychologie, et ainsi peut s’exprimer la psychophobie dont parlait tout à l’heure Dardot, en permettant à certains parents de dire « il n’est pas malade, il est handicapé ».

      Handicap est une notion vague qui a voyagé aussi en venant d’Angleterre. En étant un mot qui vient d’ailleurs dans notre réseau sémantique il a une prétendue neutralité qui lui permet de s’infiltrer plus facilement. Ce qu’on appelle handicap, si on l’appelait déficience ça passerait beaucoup moins bien. D’usage philanthropique ou social comme je vous disais. Dans la loi de 2005 la définition du handicap est « une limitation d’activité, restriction de la participation à la vie en société subit, subit passivement dans son environnement par une personne ».

      La confusion vient du fait que cette description sociale est basée sur une définition médicale. Les définitions médicales dans la loi sont « les réductions des possibilités sociales de la personne dues à des problèmes physiques, » et après il y a trois choses qui concernent la psychiatrie : « des problèmes mentaux, cognitifs ou psychiques ». Ils ont spécifiés les trois.

      La loi de 2005 sur le handicap et ses applications sont surement pavées de très bonnes intentions. Je ne vais pas, ici, faire un bilan général de cette situation, je voudrais seulement, en quelques minutes, décrire cette expansion du domaine du handicap et je pense qu’il sera assez bien illustré, après moi, par Sandrine en ce qui concerne l’école.

      Quelles en sont les implications dans la psychiatrie ?

      En psychiatrie aujourd’hui les soins, les soins mêmes, ne valent pas grand-chose. Ils perdent de leur valeur, y compris de leur valeur marchande. C’est pourquoi plusieurs institutions, centre de consultations ou hôpitaux psychiatriques se voient bradés, délocalisés ou amoindris. Autant de signes de la crise de légitimité que traverse la psychiatrie de notre époque.

      Nous connaissons bien les polémiques et les mises en cause visant les abords psychologiques, telle la psychanalyse, dans leur prétention thérapeutique. Ailleurs, je tiens à vous rassurer, ça n’est guère mieux. Malgré une large diffusion des traitements psychotropes, la chimie du cerveau n’a toujours pas tenu ses promesses et déçoit également. Ca fait quand même soixante dix ans, depuis les années cinquante, depuis l’invention des psychotropes, de la psycho-chimie, des neurotransmetteurs et tout ça, eh bien ça ne guérit toujours pas. Il y a soixante dix ans, ils nous promettaient que ça allait un jour guérir la folie, notamment les schizophrènes et la dépression, et ça n’a toujours pas trouvé la cause de la folie.

      Malgré des milliers d’annonces triomphales, tous les ans et répétés à l’envie, de la découverte qui du gêne, qui de la molécule responsable de la schizophrénie, de la dépression, de l’autisme, nous n’avons toujours pas une seule piste indiscutable. Aucun test sanguin ou autre marqueur biologique capable de sceller un diagnostic d’une maladie mentale de ce type.

      Si notre société prescrit encore autant de psychotropes c’est parce qu’ils ne coutent pas trop chers et que nous n’avons pas mieux. Si chaque comprimé d’antidépresseur ou de neuroleptique coutait cent euros, je pense que la pratique changerait radicalement.

      De nos jours le nouvel espoir, comme vous le savez, vient des images, des images informatisées du cerveau, ce qu’on appelle pompeusement « neurosciences », au pluriel s’il vous plait, qui objectivent les faits et qui maintenant s’attaquent aux soins. Ils ne décrivent pas seulement, ils ne font pas que du cognitivisme, ils commencent à faire à nouveau de la psychochirurgie avec des électrodes etc… Certains voudraient faire coïncider, comme l’a dit Pierre Dardot, handicap, maladie mentale et déterminisme organique.

      Car quoiqu’il en soit, avec l’actuelle crise de légitimité qui affaiblit la psychiatrie et l’inefficacité de la psychiatrie classique et sa conséquence d’évaluation, nous assistons à un flottement qui favorise cette expansion du domaine du handicap ou sa catachrèse qui l’ancre dans un champ qui n’était pas le sien.

      Mais quel est le problème, me direz-vous ?

      Le problème c’est que le handicap et cette idéologie des handicapés sert trop souvent à la fois d’euphémisme, et pour certain de refoulement, pour ne pas mener ni même penser des situations qui sont complexes et sévères. Le deuxième problème, pour aller vite, c’est que cela sert d’assignation douce au comportement qui devient un comportement déviant, qui devient un comportement anormal. Il faut comprendre que cette signification de l’usage social du handicap qui gagne la psychiatrie, fait qu’à son tour la psychiatrie gagne la société. Il y a quand même énormément d’enfants caractérisés comme handicapés à partir de certificats psychiatriques. C’est une entrée sournoise de la psychiatrie dans le champ du social sans dire son nom.

      Cette expansion du domaine du handicap transposé à la psychiatrie, si elle a permis l’inclusion de certains enfants, elle a, en même temps, engendré deux choses :

      • un, la ségrégation médicale qui est très palpable à l’école. Nous assistons à une médicalisation outrancière de l’échec scolaire dont les mécanismes seront dits tout à l’heure qui transforme les difficultés pédagogiques, sociales, familiales en anormalité sous couvert du handicap. Il y a plus de deux cent mille enfants considérés handicapés à l’école, et j’aimerais bien savoir combien ne relèvent absolument pas de la psychiatrie. Sachez que 90% des diagnostics par contre sont psychiatriques. Elle est tellement outrancière qu’à Paris, la MDPH et les écoles exigent un certificat MDPH pour pouvoir proposer un redoublement, c’est ça la médicalisation de l’échec scolaire. Par ailleurs des enfants gravement souffrant, aujourd’hui bénéficie de moins de soins psychiques qu’auparavant.
      • le deuxième mouvement c’est la relégation médicale des incurables. Très concrètement, plusieurs lieux de soins d’autrefois, comme les hôpitaux se voient soit tout simplement fermés soit transformés en lieu d’ « accueil », entre guillemets, où il n’y a ni soins ou presque ni malades mentaux. C’est à dire, une fois chronique et incurable, la maladie psychiatrique se voit transformée en handicap et ce qui était un patient devient un handicapé, et du coup il est prié de quitter le champ du soin pour être au mieux pris en charge ou gardé.

      Il est important de comprendre que ces deux réponses : relégation médicale et ségrégation médicale, outre l’économie visée, se passent absolument de prodigation de soins. Une fois mise en place, les soignants, vous et moi, nous sommes convoqués pour donner une caution et les soignants se voient pratiquement rendus au rôle non pas de soignants mais d’experts.

      Les médecins servent ici à la validation des dispositifs. Ils ne sont plus là pour traiter mais pour attester, certifier, orienter au maximum faire le tri pour dire dans quel wagon chacun devra monter.

      Merci beaucoup.

      Carlos Parada

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      À l’école

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      Sandrine Deloche

      De ma place de pédopsychiatre, dire « à l’école, il y a de l’enfance effacée  », ça veut dire quoi ?

      Ca veut dire parler de mon intranquilité
      En recevant chaque jour, des enfants en souffrance scolaire (pour rappel, les difficultés scolaires sont le 1er motif de consultation).
      En participant à des réunions à l’école appelées « ESS » (équipe de suivi de scolarisation).
      En écoutant la souffrance au travail des psychologues, des assistantes sociales, des médecins scolaires.
      En remplissant, un certificat médical pour un enfant, le déclarant ainsi porteur d’un handicap « psychique ». Seul moyen d’obtenir une scolarité adaptée, aujourd’hui.
      En constatant le recours sans cesse aux actes et à la paperasse au détriment d’une réflexion partagée, indispensable au chevet d’un enfant en grande souffrance.

      Quel sens donner :

      • aux exclusions scolaires de jeunes au collège comme unique réponse à leur impasse?
      • à l’intervention récurrente de la police au sein des écoles primaires ?
      • aux plaintes déposées du corps enseignant comme des parents ?
      • à l’échec scolaire rabattu de plus en plus du côté du signifiant « handicap » laissant notre responsabilité collective en jachère ?

      Quel sens donner à cette violence palpable exercée, subie, partagée agie de notre part à tous sur l’enfance ?

      Est-ce le résultat d’une aliénation de nos instituions, devenues de folles machines normatives, l’école comprise et de notre servitude volontaire en retour ?

      Faisant partie d’une génération qui a vécu certains points de basculement, impossible pour moi de rester indifférente à ce sacrifice institutionnel assumé par les politiques, surtout parce qu’il crée des maux qui, en bout de chaîne, sont portés par les enfants amenés au Centre médico-psychologique pour rencontrer un psy.
      De quels maux/mots s’agit il ? Les enfants à « problèmes » sont devenus des cohortes de « dys » (dypraxies, dyscalculie, dysgraphie), de troubles oppositionnels, d’hyperactifs, de troubles attentionnels, de précoces à haut potentiel, tous estampillés « handicap psychique » par la MDPH.
      Une fabrique de sigles qui marquent dans la chair et valorisent encore davantage le traitement des effets et non des causes du système scolaire français le plus inégalitaire de l‘OCDE.
      L‘expansion d’enfants insoumis, agités, violents, explosifs, inattentifs, découragés, en échec scolaire ne sont que la résonnance de décisions politiques qui pèsent lourd sur le terrain.

      Quelles sont-t-elles ? Je rappelle :

      • la fermeture accélérée des classes uniques dans les villages ou dans les grandes villes du maintien de classes surchargées.
      • une diminution des effectifs non seulement d’enseignants mais des professionnels qui les entourent, qui font enveloppe et lien : médecins, psychologues, assistantes sociales scolaires.
      • la disparition des RASED (réseau d’aide d’enfants en difficultés) des maitres E ou G, des classes d’adaptation qui rattrapaient les mailles de l‘échec scolaire, évitant aussi une stigmatisation à outrance.
      • disparition également des commissions d’orientation, (les CCPE) pour les enfants en grande difficulté. On y faisait un travail de réflexion entre partenaires du réseau local.
      • disparition de la plupart des unités de formation des maitres.

      Toutes ces instances avaient une fonction commune de continuité et de faire lien dans leur dimension « symbolisante » c’est à dire en tenant compte d’un sujet, d’un environnement, d’une pensée collective et du temps nécessaire pour trouver une solution « sur mesure » donc subjectivante.
      Au prétexte comptable, le démantèlement de ce savoir-faire a été remplacé par un nombre incalculable d’emplois de service précaires. Ce tour de passe-passe s’est fait grâce à l‘expansion d’un pouvoir techno-bureaucratique dont les visées politiques comme baisser les chiffres du chômage ou prendre possession de l’Education nationale, de la Santé ou de la Justice, ont abouti.

      À l’école républicaine, deux contrats récents le prouvent, en cisaillant un peu plus la branche.
      En 2005, l’avènement de la MDPH (Maison département des personnes handicapées) et en 2013 la réforme des nouveaux rythmes scolaires.
      La MDPH en s’invitant à l‘école est la pire des ombres, elle déplace l’axe pédagogique en imposant le signifiant « handicap » et sa cohorte de prescriptions comme solutions mensongères : (AVS, inclusion, ulis, allocation).

      Je cite :

      « La pédagogie, comme la psychanalyse doit s’appuyer sur une autonomie qui n’existe pas encore afin d’aider à la création de l’autonomie du sujet. Cet impossible est en fait double, car cette autonomie doit s’effectuer dans le cadre d’une société hétéronome, c’est à dire avec des institutions existantes que le sujet doit absorber et intérioriser. » Cornelius Castoriadis nous le rappelle. Etre enseignant, psychanalyste, c’est supporter cet impossible, l’assumer, en être garant en quelque sorte.

      Pourquoi l’acquisition de l’autonomie est-elle incontournable ?
      Car elle soutient une subjectivité capable de réflexion, de critique, de volonté, et précède la mise en acte du politique. Devenir un être politique, c’est être capable de gouverner et d’être gouverné, selon la finalité de la Paideïa (éducation ou élevage d’enfant : formation par la cité et par un enseignant).
      Tricoter inlassablement entre l’institué et l’instituant, mettre le savoir au service de la poétique de l’enfant, de l’enseignant, de la cité voilà du politique qui irrigue la pédagogie.
      Felix Guattari, philosophe-psychanalyste, défendait qu’apprendre, c’est avant tout déconstruire pour inventer sans cesse, et se donner les moyens d’expérimenter ce mouvement. Seuls des agencements de création partagée, au service de la pensée, comptent.
      A l‘école aujourd’hui apprend-t-on au gré de ces expériences ? J’en doute
      En tout cas, pour promouvoir dignement un processus éducatif d’apprentissage, il faut des conditions sur lesquelles on ne peut déroger, des conditions d’espace-temps qui soient au dimensionnement strict de l’enfant, ainsi qu’une obligation de moyens que nos amis scandinaves prônent comme le meilleur avenir pour le pays.
      Rester sourd à cette priorité en pérennisant un système pédagogique proche des logiques néolibérales de concurrence, de réussite donc d’exclusion avec des fausses solutions clés en main comme la MDPH. C’est prendre un risque colossal pour demain.
      Chez nous, pour faire oublier la « réformite stérile », en matière d’éducation, de fausses avancées voient le jour comme :
      la réforme des nouveaux rythmes scolaires en 2013 et l’introduction d’outils informatiques en 2016,
      J’y vois un effet d’attraction exercé sur l‘enfant et de séduction démagogique auprès des parents. Pire une forme de consumérisme de l’activité d’apprentissage qui viendrait renforcer ce que la société sécrète déjà  à l’excès : une temporalité saturée qui équivaut à : Un effacement du « rêver en flânant », supplanté par « l’agir dans l’instant ».
      Offrir aux enfants, aux instituteurs, des espaces de flânerie, des temps de rêverie me paraît primordial.
      Dans son article «  solitude, esseulement, isolement », Hannah Arendt prône un espace protégé pour penser. Un espace inviolable, une sorte de suspension loin du monde foisonnant, un rythme lent. Se créent alors les conditions d’un dialogue intérieur au sein duquel on peut se poser des questions et recevoir des réponses. Cette activité pensante forge l’apprentissage de la capacité de juger, entre le juste et l’injuste, le bien et le mal, le beau et le laid dans des situations inédites, et « de nous sauver des désastres » souligne-t-elle.
      Tous, nous avons été confrontés aux nouveaux visages du désastre. Donnons à nos enfants la capacité réflexive et républicaine d’y faire face, loin d’une visée sécuritaire.

      Demain, « à l’école »
      Battons nous pour soutenir et fédérer les initiatives citoyennes en marche.
      Battons nous pour que les écoles ne soient pas uniquement la manne d’une technocratie qui tue la démocratie au profit d’une logique néolibérale d’élites qui fabrique des exclus
      Battons nous pour construire un grenier à savoirs qui englobe l’écologie, la philosophie, les arts manuels, l’éducation populaire.
      Battons nous pour la promotion de vrais espaces de vie où l’expérience de penser le monde puisse aussi bien se faire
      le crayon sur la feuille,
      les mains dans la terre,
      les yeux dans le ciel,
      les pieds en éventail,
      le corps en mouvement,
      l’oreille qui traine.

      Pour que le bâtit de cette poésie advienne, il faut des lieux qui respectent le travail effectué, le travail demandé et l’imprévu, des lieux à taille humaine, durables, mais modulables dans une inventivité partagée.

      Je terminais par ces mots d’alerte de Pasolini :

      « Au début des années 60, à cause de la pollution atmosphérique et dans les campagnes, de la pollution des eaux, les lucioles ont commencé à disparaître. Cela a été un phénomène foudroyant et fulgurant.  Les projecteurs d’une modernité hégémonique se sont braqués sur les individus et ne les ont pas lâchés. Les lucioles sont mortes. Les différences ont cessé d’exister. Tout a été écrasé par le règne marchand.».
      Battons nous, puisque nous connaissons le coût de cette obscurité là.

      Je vous remercie

      Sandrine Deloche

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      À propos de la (sur)médication

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      Yann Diener

      Je voudrais vous parler de « FREUD le Pédiatre », avec une question : pourquoi a-t-on ignoré Freud le pédiatre ? FREUD lui-même a ignoré délibérément cette partie de sa formation, de son travail.

      Dans l’histoire de la psychanalyse, il y a très peu de choses écrites à ce sujet, moi je ne l’ai su que très récemment, à savoir l’intensité du travail de FREUD auprès d’enfants.

      De 1885 à 1895, trois jours par semaine, il travaillait à la polyclinique du Dr KASSOVITZ à Vienne, une polyclinique pédiatrique ; et quand FREUD écrit sur son histoire et sur l’histoire de la naissance du mouvement analytique, il n’en parle pas. Il dit même qu’au début de 1900, il n’a pas reçu d’enfants.

      Alors ça, je l’ai lu dans un article d’un historien italien Carlo BONOMI qui fait l’hypothèse que FREUD met de côté cette partie de son histoire car il aurait été traumatisé par un mois de stage à Berlin, en 1885, dans le service du Dr BAGINSKY, c’est un service qui est à la pointe de thérapies qui ont cours également en France à ce moment là.

      A chaque fois, et c’est très souvent qu’on considère que la cause de l’agitation d’un enfant, de son excitation, de son « immoralité » (puisque ce sont des mots plutôt de l’époque), est de cause sexuelle et comme due à une trop fréquente pratique de la masturbation par l’enfant, il y a des opérations chirurgicales décrites dans les manuels de pédiatrie de l’époque, décrites avec les termes académiques qu’il faut pour que ça passe et que ce soit pratiqué très largement en Allemagne mais aussi en France, opérations chirurgicales de mutilation, il n’y a pas d’autre mot (c’est d’ailleurs le terme utilisé) sur les parties génitales des enfants, garçons ou filles.

      FREUD est « formé » à ça, c’est le terme qu’emploie Carlo BONOMI, on ne sait pas s’il a fait ces opérations, mais il y assiste, puisqu’il est élève à Berlin. Les termes qui sont utilisés sont « excisions », « infibulations », enfin beaucoup de termes qui sont maintenant utilisés dans certaines religions, enfin la plupart… pour régler la question de la différence sexuelle, et de l’excitation sexuelle chez les enfants.

      Alors je parle de ça parce que je pense que l’usage des médicaments pour les enfants pour stopper l’agitation, et j’ai envie de dire de plus en plus « l’excitation » des enfants. Quand on dit aujourd’hui que les adultes, parents ou enseignants, ne supportent pas l’agitation des enfants, il y aussi leur excitation, qu’ils ne supportent pas : il y a aussi la sexualité infantile, qui même si elle est considérée comme évidente, y compris pour les psychanalystes, en fait on n’en parle plus beaucoup, y compris quand on travaille en pédopsychiatrie.

      Voilà, je trouve que ces médicaments, et il n’y a pas que la RITALINE, même s’il y a beaucoup de RITALINE, ils servent à ça, à effacer, puisque l’on parle d’effacer l’enfance, voilà, ces médicaments sont des machines à effacer, à effacer la sexualité infantile.

      Et pour construire cette « machine à effacer la sexualité infantile », il y a eu trois hommes importants qui ont très bien travaillé ensemble. Je pensais que Sandrine DELOCHE allait parler, à propos de PASOLINI… je pensais que tu allais lire son texte, quand il dit « Je sais les noms » : il est en train de parler de ce qui se passe en Italie, et il a envie de nommer les responsables, il a envie de renvoyer les gens à leur responsabilité. Il finit son texte en disant : « Je sais les noms ».

      Donc, trois hommes qui ont particulièrement contribué à la mise au point de cette machine à effacer la sexualité infantile qui s’appelle Ritaline : Karl PFIZER, un chimiste américain d’origine allemande, le patron, celui qui a créé la grande firme pharmaceutique PFIZER, disait à ses employés : « Je m’occupe des molécules. Vous, vous inventez des malades ». Bon, ça, c’est connu. Après, il a fallu un chimiste, le chimiste c’était un italien d’origine, PANIZZON, qui a synthétisé le METHYLPHENIDATE. Et après, il fallait un nom pour commercialiser cette molécule. La femme de ce chimiste, vous le savez peut-être, elle s’appelait Rita… et c’est comme ça qu’ils ont nommé cette molécule RITALINE. A chaque fois que j’entends ce nom, je me dis : « mais à quelle place il mettait sa femme ? » (Rires dans la salle). On ne sait pas ce qu’en a pensé Rita… elle était peut-être très contente ? Il y a un troisième bonhomme, dont j’ignorais l’existence en 2011 à la sortie de mon bouquin, un bouquin qui parle beaucoup de RITALINE, et qui est intitulé On agite un enfant (il y est question de l’histoire, de comment la RITALINE est devenue si banale, si courante). Le troisième homme, donc, il s’appelle Léon EISENBERG, c’était un psychiatre américain, présent dans toutes les instances académiques de la pédopsychiatrie américaine, il est mort en 2009. Un homme très respecté dans la pédopsychiatrie américaine, il a travaillé avec Léo KANNER, ils ont écrit ensemble sur l’autisme, il était le patron du journal Child Psychiatry. Eh bien c’est lui qui a inventé le fameux sigle ATHD, pour le DSM (« TDAH » en français). Léon EISENBERG, à quelques mois de sa mort, vous avez pu lire ça récemment, pris de remords, il appelle un journaliste de Der Spiegel, pour faire ce qu’ils ont appelé « une confession ». L’article s’appelle : « La confession du Dr EISENBERG ». Il y raconte sa participation à la construction du TDAH. Il dit que c’est un très bon exemple de maladie… en anglais, le mot qu’il emploie, c’est « fictious » : un bon exemple de « maladie fictive ». La traduction française de l’entretien a donné ça : « C’est un bon exemple, et j’ai envie de le dire avant de mourir, c’est une maladie inventée, fabriquée… il y en a plein d’autres, mais celle-là, j’ai ça sur la conscience et je veux en parler ».
      Voilà ces trois personnages.

      Les médecins qui prescrivent ces produits savent très bien que c’est une maladie fabriquée et un produit marketing fabriqué, ils connaissent les effets immédiats et les effets à plus long termes. La revue Prescrire a montré qu’il y a, pour les enfants qui prennent de la Ritaline, des conséquences cardio-vasculaires, et des conséquences sur la maturation sexuelle : il a été montré que la Ritaline peut provoquer une perturbation de la maturation sexuelle, c’est même marqué dans la notice. Et c’est là où je veux en revenir à FREUD le pédiatre et à son trauma, au choc qu’il a eu en assistant à des mutilations chez Baginsky. Je pense que ces produits-là, la RITALINE ou ses équivalents, on les donne aux enfants pour effacer leur excitation et les questions qu’ils posent, qu’ils posent à leurs parents et à la société. Je pense que c’est une mutilation, alors là je ne sais pas comment on pourrait l’appeler, on peut dire une mutilation chimique, mais en tous les cas on revient – ou alors on ne les a pas quittées –, on en revient aux années 1895, à Berlin ou à Paris. Charcot s’était opposé à ça, Charcot a pris position dans un article contre ces opérations, comme quoi c’était vraiment pratiqué, y compris en France.

      Voilà, donc je pense que c’est un vrai problème que de dire les effets que ça a en fait, la Ritaline, parce que ça peut encourager des gens qui veulent effacer la sexualité infantile, la leur, les souvenirs qu’ils en ont, et les effets que ça peut avoir dans le collectif : décrire les effets de ces produits, ça ne peut que les inciter à utiliser ces produits.
      Vous savez que la RITALINE est un dérivé d’amphétamine. La dernière fois qu’une société a distribué aussi largement et facilement des amphétamines à son peuple… c’était qui ? C’était les nazis : ils distribuaient de la méthamphétamine dans les pharmacies, dans des petits tubes très jolis, ça s’appelait la Pervitine. Il y a un livre qui vient de sortir là-dessus, qui s’appelle L’extase totale, qui montre que ce ne sont pas seulement les hauts dignitaires nazis qui prenaient ça – on savait qu’ils prenaient beaucoup de cocaïne, de speedants, et puis les soldats de la Wehrmacht qui n’ont pas dormi pendant trois jours grâce aux méthamphétamines, ce qui a permis, comme ça, d’écraser la Pologne et la France… Eh bien c’était aussi encouragé pendant un certain temps. Pendant une dizaine d’années, sous le IIIème Reich, tout le monde prend des amphétamines, il y a une espèce d’euphorie chimique.

      Yann Diener

  • Inventons des Pratiques (II)

    Échanges animés par José Morel-Cinq-Mars

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      Centre de création pour les enfants

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      Mateja Bizjnak-Petit (marionnettiste)

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      Sofi Hémon

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      Plasticienne

      Je constate une perte de la compréhension de ce qu’est le lien

      Je suis artiste plasticienne. Je travaille depuis des années sur la notion de chaos et de chantier. Je fais des installations et des installations performatives.

      Parfois, j’écris des projets en collaboration avec une institution suite à une rencontre.

      Je travaille essentiellement dans ma banlieue, le 91. Déserter ce territoire me semble actuellement impossible : sur le terrain, je vois bien autre chose que ce que nos médias en disent.

      Je pense abandonner cependant : je travaille la plupart du temps avec des classes de 28 enfants (!) de 4 ans. La rencontre possible se transforme en marathon sportif, une façon de voir que je ne partage pas.

      Au sein de ces projets, je m’interroge : Où commence le cadre ? Quelle est sa fonction ?
      Quelles inventions sont possibles à l’intérieur du cadre ?

      En 10 minutes, au sein de ce meeting, je choisis d’esquisser pour vous 3 situations.

      Cette année j’ai écris mes projets pédagogiques en commençant par ces mots :

      Un projet artistique
      stimule la concentration
      éveille les capacités créatrices
      ouvre l’appétit de l’apprentissage
      favorise l’initiation à la langue parlée et écrite
      suscite la curiosité envers l’autre et soi même
      stimule le dialogue
      développe l’agilité et l’invention des gestes
      des plus délicats aux plus précaires
      des plus expressifs aux plus puissants

      “Un labyrinthe au jardin des Hirondelles”
      2013, école maternelle des Hirondelles à Morangis

      Situation 1

      Ecoles maternelles à Corbeil-Essonnes, Education nationale / Peac

      « la ville de haut en bas et de bas en haut»
      École primaire publique « Jean Batiste de la salle » à Athis

      Le projet : 3 écoles, Langevin, La source, Joliot-Curie - sur le thème de la ville :
      34 séances, 8 classes, 28 enfants de 4 ans par classe.

      Dans la classe de M, institutrice. La première séance se passe bien. Le dispositif installé est stimulant. La seconde séance doit être interrompue. Le dispositif passe du statut de stimulant à excitant. Les enfants sont déchaînés. L’institutrice est fragilisée. Je réalise le quotidien qu’elle doit gérer.

      Après discussion avec elle, nous refaisons le cadre : Il y aura 4 adultes :
      C, une Atsem impliquée, l’institutrice et moi, pour 3 groupes d’enfants. Chaque groupe sera géré par un adulte. Nous installons 4 appareils photos reflex.
      Le groupe 1 - construit une ville éphémère avec moi. Le groupe 2 - prend des photos de la performance à tour de rôle avec l’institutrice. Le groupe 3 est spectateur. C’est l’œil qui observe et qui plus tard passera à l’action.
      C, gère les passages successifs des enfants. 45 minutes de travail exigeant, d’une rare qualité de concentration, révèlent une intelligence collective entremêlant curiosité, patience et création.

      Par la suite, l’institutrice m’écrit : « les élèves devaient choisir la partie de l'œuvre à photographier, régler le zoom et prendre la photo. Cette succession d’actes leur a appris à voir l'oeuvre dans sa globalité et ses détails. Ils ont compris que la photo permet de cristalliser un instant dans le temps. Ils ont pu mieux gérer leur création en passant du statut d'acteur au statut d'observateur. »

      « dans la ville, JE TU IL ELLE »
      Maternelle Langevin, Corbeil-Essonnes

      Situation 2

      Accueil familial thérapeutique pour enfants, hôpital Maison blanche/Neuilly-sur-Seine

      Une expérience de 3 ans avec 2 puis 1 jeunes. Le projet est initié par le Docteur Catherine Fourès, pédopsychiatre. Elle travaille avec un des 2 enfants et me propose cet atelier à « médiation artistique ». Une pièce des soignants nous est laissée pour atelier.

      L’équipe ne sait pas ce qui se passe dans l’atelier. Je suis seule avec les 2 enfants durant 1h30. 2 fois par an j’assiste à une réunion institutionnelle. Je parle parfois avec M, éducatrice et référente d’un des enfants.

      Les séances sont délicates. Une amie psychanalyste, Clotilde Perrève me propose de venir 1h par mois lui parler de ce qui se passe dans l’atelier.
      Ce nouveau cadre va me permettre d’inventer des issues à ce qui s’est progressivement
      transformé en impasse.

      Fenêtre de rez-de-chaussée ouverte, début de printemps.
      A ,12 ans, enjambe la fenêtre. D, 8 ans, le suit .
      Je les regarde s’échapper, étonnée par ce pas soudainement franchi
      Je n’ai qu’une idée : les ramener dans le cadre par le cadre
      Sont-ils en danger dans le parc de Maison blanche ?
      Le danger n’est-il pas que le cadre semble les négliger?
      Je passe la fenêtre. Ils courent vite et rient beaucoup.
      Epreuve. Très lentement avec mes mots. Je les ramène.
      Nous passons le cadre dans l’autre sens.
      A est furieux et frustré. D a suivi.

      Je place un grand format de tissus au sol et propose des matériaux. A dépose des gouttes d’encre sur la toile. Il les déplace par son souffle dans une direction précise.

      Il vient d’inventer ce geste, sans un mot.

      Calme, il se lève. Il va peindre seul un grand format sur la verticale.

      La séance se termine. Je relève avec lui ce que je nomme son invention.

      Situation 3

      Anis gras, le lieu de l’autre - Labelle école à Arcueil

      « la tête à l’envers »
      École maternelle de l'école d'Olympe de Gouges à Arcueil

      Quand une institutrice a un problème dans sa classe, elle vient à Anis gras et l’expose. Labelle école monte un projet avec un artiste pour aborder la question autrement. Fanny est chargée de mission. Elle devient une interlocutrice précieuse.

      C, institutrice a une petit section de maternelle.
      Les enfants sont dissipés et bruyants. Elle n’arrive pas à faire sa classe. Je travaille en binôme avec Fanny.
      Nous avons 6 séances de 45 minutes
      28 enfants de 3 ans
      4 adultes : Fanny, l’institutrice, une Atsem et moi.

      Le thème est « l’objet / l’objet transitionnel » dans un environnement que nous nommerons « Installation performative ».

      J’ai une grande ombrelle en papier à chaque séance.
      Elle est l’abri sous lequel nous nous retrouvons.
      Elle est l’objet qui provoque le rire.

      Lors de la 4ème séance, les enfants m’entourent et attrapent violemment le bord de l’ombrelle. Ils veulent la déchirer avec rage :
      A 3 ans, la capacité de propager un acte violent.

      Comment réguler, désamorcer et métamorphoser cette énergie qui suscite une grande inquiétude chez les 4 adultes ?
      J’invente une histoire et transforme l’objet « ombrelle » en objet « navette ».
      Ce passage par la narration régule la violence, apaise puis se transforme en jeu collectif.

      Ce jour là, j’ai pensé que c’est seulement en entourant les enfants par notre langage aimant, en leur donnant accès à l’expression, que nous leur apprendrons à se défendre et à créer leur propre vie.

      Pour conclure

      Chacune de ces situations peut entraîner des modes d’isolement.
      Je constate, à mon échelle, la difficulté que chacun a à comprendre le cadre et comment s’en servir.

      Je parle de l‘adulte et de l’enfant. Je me demande comment va se développer la dyade cadre et lien. Je constate une perte de la compréhension de ce qu’est le lien.

      Pourtant très simplement : un lien pourrait être

      Ce qui va de toi à moi et réciproquement
      Ce qui lie passé - présent - futur et nous donne accès à une grammaire

      J’ai eu cette idée l’an passé, que parfois la violence se constitue car l’enfant de 4 ans pressent qu’on ne lui donne pas les outils dont il a besoin pour sa future vie d’adulte. Mais aussi, et je ne cache pas mon inquiétude de voir que parfois les adultes renoncent à inventer des outils.

      M’a effleuré l’idée que nous avons mis du temps a envisager que le bébé est une personne, à présent ne faudrait-il pas se mettre à penser l’enfant est une personne, l’adulte est une personne ?

      Il m’apparaît que nous ne pourrons pas apprendre aux enfants quels liens ils peuvent créer si nous ne savons pas ce qu’est un lien et ce qui fait lien. Un chantier en perspective..

      « la ville de haut en bas et de bas en haut »
      Ecole primaire publique « Jean-Batiste de La Salle » à Athis Mons

      Sofi Hémon, plasticienne

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      Des médecins et des psychanalystes en PMI

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      Bernard Ferry

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      Devos

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      Aurélien Vernant

  • Conclusions

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      Entre Savoir et Culture : quel écart aujourd’hui ?

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      Christian Guibert

      Je vous propose une lecture de ce livre de Michel Henry paru en 1987 aux Presses Universitaires de France, car il me paraît aujourd’hui d’une brûlante actualité. Ce livre part d’un constat simple mais paradoxal celui d’une époque, la notre, caractérisée pas un développement sans précédent du Savoir allant de pair avec l’effondrement de la Culture.

      Pour la première fois sans doute dans l’histoire de l’humanité, Savoir et Culture divergent, au point de s’opposer dans un affrontement gigantesque – une lutte à mort – s’il est vrai que le triomphe du premier entraine la disparition de la seconde.

      Une telle situation, aussi dramatique que mystérieuse,s’éclaire si l’on remonte à sa source, au tout début du dix septième siècle, lorsque Galilée, qui a découvert que la terre tourne autour du soleil, déclare que la connaissance antérieure à laquelle l’homme se confie est « fausse et illusoire » .

      Cette connaissance est la connaissance sensible, qui nous fait croire que les choses ont de couleurs des odeurs, des saveurs qu’elles sont sonores, agréables ou désagréables. Bref que le monde est un monde sensible.

      Pour Galilée, l’Univers est composé de corps matériels insensibles, étendus, doués de formes et de figures , en sorte que son mode de connaissance n’est pas la sensibilité variable selon les individus, mais la connaissance rationnelle de ces figures et de ces formes : la géométrie, bientôt rejointe avec Descartes, par la mise en forme de cette géométrie par des formules mathématiques.

      Tel est le nouveau savoir, qui prend la place de tous les autres et les rejette dans l’insignifiance.

      Mais surtout, à partir de ce moment, la « science galiléenne » va façonner notre monde, délimitant une nouvelle époque de notre histoire, la Modernité.

      A la différence des autres civilisations, (égyptienne, grecque, romaine ) dont les conditions d’apparition sont complexes et multiples, ne pouvant être réduites au seul jeu de l’intelligence la Modernité résulte d’une décision intellectuelle, clairement formulée, et dont le contenu est parfaitement intelligible.

      C’est la décision de comprendre, à la lumière de la connaissance géométrico–mathématique, un univers REDUIT désormais à un ensemble objectif de phénomènes matériels, et bien plus d’organiser le monde, en se fondant de manière exclusive sur ce NOUVEAU SAVOIR, et sur les processus inertes qu’il permet de maitriser.

      Prenons maintenant la mesure de la REDUCTION GALILEENNE. Ecarter de la réalité des objets leur qualité sensible, c’est ELIMINER du même coup notre sensibilité, l’ensemble de nos impressions, de nos émotions, de nos désirs de nos passions, de nos pensées, bref NOTRE SUBJECTIVITE TOUTE ENTIERE QUI FAIT LA SUBSTANCE DE NOTRE VIE.

      C’est donc cette VIE « telle qu’elle s’éprouve en nous » dans sa phénoménalité incontestable, cette vie qui fait de nous des vivants, qui se trouve dépouillée de toute réalité véritable, réduite à une apparence . Le baiser qu’échangent les amants n’est qu’un bombardement de particules microphysiques.

      Si l’on suppose alors que la vie est la source exclusive de la culture, sous toutes ses formes il devient évident que sa mise hors jeu est identiquement celle de la culture.

      Or la culture, l’auto révélation de la vie en son auto accroissement n’est pas présente seulement sous ses formes supérieures elle imprègne la communauté humaine : nourriture vêtements, productions de biens .C’est ainsi que dans une société comprise comme communauté des vivants, dans la vie la culture est partout.

      Alors, la modernité galiléenne ne peut plus offrir que le spectacle terrifiant que nous avons sous les yeux, le démantèlement progressif de ce qui donnait à la vie dans chacun des domaines qui lui appartiennent et en lesquels elle s’exprime sa raison de vivre.

      C’est le temps du vrai nihilisme – quand le devenir intérieur de la vie et tous les savoirs qui lui étaient liés, toutes les formes de culture qui en étaient l’expression, cèdent la place à la connaissance anonyme de processus homogènes à ceux qu’étudie la physique. Plus rien ne vaut et tout se vaut.

      Le signe le plus brutal de cette substitution de la mort à la vie est l’émergence d’une technique jusqu’alors inconnue qui ne s’enracine plus dans la subjectivité des corps vivants.

      Aujourd’hui, tout ce qui peut être fait dans l’univers aveugle des choses se fait sans considération, SI CE N’EST PEUT ETRE CELLE DU PROFIT.

      0r l’économique, comme la technique a lui aussi partout et déjà substitué ses abstractions falsificatrices au travail réel des hommes.

      Cette nouvelle technique d’essence purement matérielle étrangère en elle même à toute prescription éthique, c’est donc elle qui dirige notre monde devenu inhumain dans son principe même.

      L’originalité de Michel Henry consiste à dire que ce n’est pas par la pensée que nous avons accès à notre vie.

      Il faut reconnaître un autre mode de révélation qui relève de la DONATION IMMEDIATE. Ce qui est premier, c’est l’épreuve intérieure de mes impressions, de mon désir de ma souffrance de ma colère, cette impression affective pure qui fait le tissu de ma chair.

      C’est la vie elle-même qui parvient originairement en nous, et « elle le fait en s’éprouvant elle-même » dans une activité primordiale, qui constitue la substance et la trame phénoménologique de notre vie, notre pathos. Toutes les modalités de notre vie, depuis les impressions les plus simples de plaisir ou de douleur, jusqu’aux sentiments profonds d’angoisse, de satisfaction, de bonheur ou de désespoir sont des modalités affectives. Bien qu’invisibles, celles ci n’en sont pas moins éprouvées par nous dans une certitude immédiate.

      Le propre de la BARBARIE de l’occident et ce qui lui confère sa puissance formidable, c’est que ce refus de la vie d’être soi, s’est accompli non pas contre toutes les formes de culture, mais à l’intérieur de l’une d’entre elles, celle du SAVOIR.

      Et on vu comment le projet de parvenir à une connaissance objective de l’Etant Naturel avait conduit les fondateurs de la modernité à exclure de cette connaissance toutes ses propriétés sensibles et subjectives, tout ce qui comportait une référence à la vie.

      Ainsi la négation de la vie, son autonégation, prend–t-elle l’allure d’un développement positif, celui de la connaissance et de la science. Dissimulée sous les prestiges de la rigueur la mise hors jeu de la subjectivité aboutit au RAVAGE de la Terre par la nature asubjective de la technique…. et quand elle est appliquée à la connaissance de l’homme lui-même, comme dans les NOUVELLES SCIENCES HUMAINES, à la destruction pure et simple de ce qui constitue son humanité.

      Que ce soit clair, il ne s’agit pas de critiquer la science et ses avancées, mais le conditionnement idéologique sous jacent qui élimine le monde subjectif de la culture et de la sensibilité, bref tout ce qui est du domaine de la vie, en se présentant comme étant le seul savoir existant.

      Christian Guibert

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      Marie Josée Mondzain

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      Philosophe

      Merci de l’invitation.

      Vous dites que la philosophie vous apporte beaucoup. Je dirais que les enfants apportent beaucoup à la philosophie, je leur dois beaucoup. C’est deux années que j’ai passées dans des classes de CE2 et de CM1 m’ont vraiment fait grandir. Si cela vous intéresse, le livre qui a résulté de cette expérience vous fera connaître ce que m’ont dit les enfants sur le monde dans lequel nous vivons. C’est magnifique. S’il y a des personnes qui ne sont pas infantiles, ce sont bien les enfants.

      Comme on a vu tout à l’heure un beau film sur l’école Vitruve, je me suis dit qu’avant de parler de l’hospitalité et parce que j’aime les images auxquelles je réfléchis beaucoup, je voudrais d’abord vous signaler un film important sur le thème de l’enfance : « Récréation », un film de Claire Simon. C’est un grand film. On y voit les rapports de pouvoir et la gestion des conflits entre enfants dans une cour d’école maternelle.

      Autre chose, – et je m’excuse de parler encore de cinéma, c’est une passion pour moi – j’aimerais attirer votre attention sur les films d’Abbas Kiarostami qui nous a quitté cette année. C’est l’un des plus grands cinéastes qui ait filmé les enfants, que ce soit dans «Où est la Maison de mon ami ? » ou dans des courts métrages tels que « Le Père et la rue », « Récréation », « le Ballon » et bien d’autres encore. Il a aussi mené une expérience dans des écoles primaires de Téhéran. Kiarostami a été un grand observateur, un dialogueur qui s’est mis à l’école des enfants. Il est allé dans les écoles pour les écouter, les regarder jouer et jouer avec eux.

      Enfin je veux rendre hommage à Julie Bertuccelli dont vous allez pouvoir découvrir le magnifique film « Les dernière nouvelles du cosmos » à propos de Babouillec , une grande artiste autiste. Après tout, entre ces deux derniers mots il n’y a qu’une lettre qui change.

      Je voulais vous indiquer ces pistes parce que je crois que le cinéma permet de partager par les images de nombreux problèmes, beaucoup de présence et j’apprécie qu’on ait pu voir un film aujourd’hui.

      Pour aborder la question de l’hospitalité, je vais partir d’un film que Patrick Chemla m’avait demandé de présenter à Reims. Il s’agit d’un film prodigieux intitulé « L’Ordre » de Jean-Daniel Pollet. Il date de 1973. Ce n’est pas qu’on y parle d’enfants. C’est un lépreux qui ne l’est plus que filme Jean-Daniel Pollet. L’ordre qui donne son titre au film est celui dont on parle depuis ce matin pour dire à quel point il nous fait tous souffrir, que l’on tombe malade ou que l’on s’y plie. Dans « L’Ordre », Jean-Daniel Pollet filme l’Ile de Spinalonga dont les Grecs avait fait une léproserie de 1904 à 1954. On avait relégué les lépreux sur cette île pour en chasser les Turcs. On a ensuite chassé les lépreux de cette ile pour en faire un lieu touristique. Un médicament efficace pour soigner la lèpre avait été trouvé et on n’avait donc plus à craindre la contagion. Comme l’ile était belle il fut décidé de changer le nom de Spinalonga - qui sonnait trop comme celui d’une léproserie aux oreilles des Grecs - en Kalydon, qui signifie « la belle forme, la belle vue ». Que sont devenus les lépreux qui habitaient encore l’île ? Ils ont été transférés dans un hôpital sur le continent, à Athènes. C’est dans cet hôpital que Pollet donne la parole à Raymondakis, cet ancien lépreux guéri. Celui-ci raconte comment lorsqu’ils étaient en exil sur l’ile de Spinalonga, les insulaires avaient fait face à leur solitude. Ils avaient su composer des modes de sociabilité et d’échange. A un moment il dit « A Spinalonga on ne mourrait jamais seuls ». Quand les lépreux se sont trouvés à l’hôpital d’Athènes, la société de lépreux qu’ils avaient constituée a été brisée, ils ont été coupés de leur solitude constituante et socialisée, et alors, ils ont connu le véritable isolement. L’hôpital est devenu le lieu de l’inhospitalité, un lieu dont ils ne pouvaient plus partir car, comme ils disent, quand on a est un lépreux guéri, on est lépreux pour la vie. On ne guérit jamais de la lèpre. Ce sont pourtant les laboratoires qui ont produit le film et ont permis qu’il existe.

      « L’Ordre » constitue un moment capital de cinématographie. A Reims, on en avait partagé les richesses en cherchant à comprendre la dialectique perverse d’une médicalisation qui guérit la maladie au lieu de guérir la lèpre. Comme le dit un voix dans le film «  de quelle lèpre parle-t-on ? ».

      C’est pourquoi, qu’il s’agisse de parler des fous, des enfants, des lépreux ou des immigrés, j’ai pris ce film comme point de départ d’une méditation sur les mots qu’il faut se réapproprier, ceux dont on doit entendre toute la vibration sémantique. Je suis partie d’une question : « Quand il arrive quelqu’un, qu’est-ce qu’il m’arrive ? » « qu’est ce qui arrive quand quelqu’un arrive ? » Quand il m’arrive quelqu’un, il ne m’arrive pas quelque chose, il m’arrive quelqu’un. Le paradigme de l’arrivée de quelqu’un, c’est la naissance d’un enfant.

      La naissance est cette arrivée. La façon dont va être conçu, préparé, déployé, l’accueil de cette arrivée-là va se jouer pour toute la société. La façon de penser, d’accueillir et de recevoir quiconque arrive d’ailleurs, de très loin, est très différente, on va l’appeler l’étranger, on va l’appeler l’immigré, on va l’appeler l’aliéné. De toute façon je vais tout faire pour que ce qui m’arrive devienne quelque chose dont je puisse me débarrasser. La question est donc qu’est-ce que ça veut dire quand il m’arrive quelqu’un, qu’est-ce qu’il m’arrive ? C’était d’ailleurs une des très belles phrases de Robert Kramer, qui nous a quittés lui aussi : quand on lui demandait « Qu’est-ce que vous voulez faire dans vos films politiques ? » il répondait  : « Oh, moi je ne veux rien faire. Ce qui se fait dans un film, c’est ce qui arrive aux spectateurs. Qu’est-ce qui vous arrive quand je vous montre ce film, quand je vous le fais partager ?». Il faut qu’il vous arrive quelqu’un. Il a pour cela mené tout un travail lors de son séjour dans le bassin du Nord.

      Alors « qu’est-ce qui vous arrive quand il vous arrive quelqu’un ? ». J’avais envie d’y revenir en vous disant que le film de Jean-Daniel Pollet nous dit à quel point l’hôpital et l’hospitalité, et l’inhospitalier sont aujourd’hui dans une sorte de crise qui fait que, de toute façon, quoiqu’il arrive aujourd’hui ce n’est pas beau : comment s’en débarrasser ?

      Ce matin, Pierre Dardot a remarquablement parlé de la psychophobie. Il aurait pu ajouter en contre-point qu’il y a une iatrocratie c’est-à-dire une tyrannie de la médicalisation qui fait que par la voix de la médecine, comme cela a été admirablement analysé pendant la journée, s’enclanche un phénomène de normalisation que depuis Foucault on ne cesse d’analyser et, de dénoncer, malheureusement sans arriver à fédérer les luttes parce qu’on est « des ilots de résistance » comme l’était Spinalonga. Maintenant qu’on arrive sur le continent, il va bien falloir poser le problème de la convergence des luttes. On ne peut pas continuer à être des archipels et des ilots séparés les uns des autres, en se faisant des signes de connivence et en se disant qu’on veut tous lutter. Il va quand même falloir trouver et fédérer des liens dans la lutte.

      J’avais envie de repasser par les mots parce que, comme il a été dit, nous assistons aujourd’hui à une confiscation des mots. Il est bon d’évoquer ici Castoriadis car s’il y a bien quelqu’un qui a su travailler la question de la radicalité, c’est lui. Or la déradicalisation est en voie de devenir une médicalisation. Je ne vais pas parler de ça maintenant, mais je m’en occupe particulièrement.

      Revenons aux mots et reprenons le spectre sémantique de l’hôpital et de l’hospitalité. D’où viennent ces mots ?

      A l’origine, on trouve un verbe latin hostire qui veut dire « mettre au même niveau », « égaliser ». Ce mot va à son tour en donner d’autres, de plus petits mots tel que hostis. Et voilà qu’ hostis va mettre en égalité des choses tout à fait contradictoires., car hostis c’est l’hôte. Vous savez qu’en français le mot hôte c’est à la fois celui qui reçoit et celui qui est reçu. Mais hostis c’est aussi l’ennemi, l’étranger, d’où le mot hostilité. D’où il s’entend que l’arrivée de quelqu’un n’est pas toujours une bonne nouvelle. Ce quelqu’un qui arrive prend la figure de la nuit ; il crée tout à coup une incertitude sur mon identité, du désordre dans mon ordre, de la turbulence dans mon calme ; il produit de l’effroi, de la terreur, de la peur.

      Regardez de quelle façon aujourd’hui, on fait passer l’état d’urgence comme un état de sécurité. Pourquoi ? Parce que nous non seulement nous vivons une psychophobie, mais nous vivons en phobocratie, c’est-à-dire sous la tyrannie généralisée de la peur. Il faut avoir peur de ce qui arrive et quoi que ce soit, il faut trembler. Or, dès qu’on tremble, il faut demander de l’aide, il faut chercher la sécurité et la protection puisque celui qui a peur est faible. Et à qui, plus fort que nous, allons-nous demander sécurité et abris ? Dans ce rapport de force, la police, l’armée, le système vont se proposer et ainsi va se mettre en place cette phobocratie. Mais ce que dissimule ce gouvernement par la peur c’est la peur des non démocrates envers ceux qui n’auraient pas peur. Car ce qui leur fait le plus peur c’est notre courage, c’est la capacité que nous avons tous de nous mettre en péril et d’affronter les situations. Résister, c’est bien beau mais vient le moment où il faut monter au filet, où il faut prendre des risques.

      Le mot « recevoir » vient du mot qui regroupe ensemble l’accueil de l’autre, y compris l’ennemi, dans son altérité la plus absolue, tout en faisant entendre qu’il s’agit d’un problème d’égalité. Face à celui qui se présente et qui demande l’hospitalité : l’enfant, le malade, l’immigré, le plus pauvre, le plus petit, le plus faible, celui qui semble manquer de quelque chose, est-ce que je vais répondre simplement: « j’ai ce qu’il n’a pas » ou est-ce que l’ensemble philologique des mots de l’hostis, de l’hospitalité doivent me faire entendre que ce qui m’arrive va me manquer ? C’est-à-dire que non seulement je dois accueillir celui qui me demande quelque chose, mais qu’en en reprenant la problématique développée par Marcel Mauss dans « Don et contre-don », celui à qui j’offre l’hospitalité me donne en retour et en surabondance ce dont je vais manquer. C’est à dire que faire admettre à notre culture, à notre communauté de résistants, que si, par exemple, je dis que les enfants apportent beaucoup à la philosophie, ce n’est pas une façon démagogique de dire que les enfants m’ont appris les choses que je n‘avais pas comprises. Non il y a eu véritablement surabondance dans la réponse, et cela s’est passé depuis le lieu de faiblesse qu’est une école maternelle avec une maitresse, une institution avec des rapports d’autorité. Un rapport d’autorité n’est pas un rapport de pouvoir, c’est un rapport d’égalité dans une dissymétrie des pouvoirs. Il y a un véritable rapport d’égalité entre moi et celui qui a moins que moi parce que je manque précisément de cela, de rencontrer dans celui qui a moins que moi ce qui m’a manqué et que c’est dans ce rapport qu’instaure l’hospitalité que l’égalité se met en marche.

      Ce n’est pas un hasard de la philologie si des mots comme HOTE HOSTILITE HOSPITALITE tourbillonnent autour d’un mot qu’on n’entend plus HOSTIRE, EGALISER. Au lieu de dire LIBERTE EGALITE et FRATERNITE on ferait mieux de dire LIBERTE EGALITE ET HOSPITALITE parce que la fraternité c’est encore bien trop familial. Si je n’accueille que mon frère je crains que certains partis y trouvent encore le langage familialiste de la ressemblance, de la similitude, d’appartenance génétique (applaudissement enjoué de la salle), d’avoir les mêmes racines. Je refuse la fraternité, je ne veux pas que celui que j’accueille le soit parce que je peux lui dire « tu es bien mon frère », mais parce que « tu es ce qui en moi était en manque de toi ».

      A partir de ces quelques mots LIBERTE EGALITE ET HOSPITALITE, les deux derniers mots étant joints l’un à l’autre dans un enjeu politique décisif, je voudrais revenir sur la question du courage. Parce que c’est vrai que ce qui me fait peur dans cette phobocratie c’est la façon dont l’ensemble de l’information qui nous est donné nous décourage et donne le sentiment que nous sommes impuissants face à ce système, que nous n’avons pas les armes suffisantes. Nous pouvons en faire le constat et renouveler le constat et nous réunir entre personnes qui veulent tous et toutes un monde autre, et se séparer et se disperser en se demandant que faire ? Je crois qu’on s’est un peu gargarisé, excusez-moi, avec la disparition des lucioles : moi je dis qu’elles brillent encore. Elles n’ont pas disparues. Pensons à Pasolini qui faisait le deuil de ce qui disparaissait mais qui, en même temps, a résisté jusqu’au bout. C’est une figure héroïque.

      Je crois que nous n’avons pas à redouter de reconnaître dans des personnes qui nous arrivent, chaque fois qu’il nous arrive quelqu’un de loin, de bizarre, d’incompréhensible, de répulsif, un lépreux car nous avons nos lépreux : ils ne sont plus contagieux mais ils sont lépreux… Il y a quelque chose d’une peur de la contagion y compris dans le monde de la psychiatrie. Quelqu’un m’a dit quelque chose qui m’a beaucoup touchée, il a dit « ils nous rendent fou et c’est ça qu’il ne faut ne pas faire. » « Ils nous rendent fou c’est décourageant ».

      Je voudrais finir sur cet appel non seulement à l’hospitalité au sens du mode d’être le plus décisif de la démocratie en tant qu’appel au partage des biens, des ressources, de savoirs, des lieux, du droit au travail, à l’abri et à l’écoute. Mais aussi par un appel au courage. Il va falloir prendre des risques.

      On m’a demandé à France Télévison de parler avec des journalistes qui se posaient la question de savoir comment ils allaient faire de l’information avec les images de Daesh  Vous comprenez les images de Dqdsh arrivent, alors on est ravagé par les images de Daesh ! » - « Bon ben, ne les regardez pas. » - « Mais nous, il faut qu’on les regarde, sinon comment on va pouvoir en parler. On ne sait pas, comment faire. Est-ce que les images de Daesh n’en viennent pas à nous enlever notre propre liberté d’expression ? » Je leur ai dit « la première institution qui vous enlève votre liberté d’expression, c’est celle qui vous paie, ce n’est pas Daesh. Si vous entrez en lutte avec ceux qui vous paient peut-être que vous aurez des idées pour savoir ce que vous allez faire avec les images de Daesh. Si vous prenez le problème à l’envers en vous demandant « comment faire plaisir à ceux qui me paient en m’occupant de Daesh », vous n’y arriverez jamais ! »

      Marie-José Mondzain

      (Applaudissements)

      Commentaire Liliane : Merci beaucoup Marie-José Mondzain, ce que vous nous avez dit nous touche énormément, cela nous parle infiniment, on est tout à fait dans ce mouvement-là.

      D’ailleurs je pensais à qu’est ce qui m’arrive ? Mais la pensée c’est ça surgit, c’est-à-dire quand on pense, on se dit ça je n’y avais pas pensée et ça c’est une pensée. Ca nous arrive. Alors comment penser ce qui nous arrive sans penser que ça va faire effraction ou effondrement et parce qu’on n’y avait pas pensé, on ne va pas s’y retrouver, on va capituler, ça c’est sûr il va nous falloir du courage.

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      Conclusion

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      Liliane Irzenski, Martin Pavelka, Jean-Michel Carbunar, Hervé Bokobza